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Sri Lanka

Attentats au Sri Lanka: pourquoi parle-t-on de «terrorisme importé»?

Le Sri Lanka multiplie les arrestations dans sa traque de suspects, après les attentats qui ont frappé le pays le 21 avril. Lors de raids dans la nuit de mardi à mercredi, les forces de sécurité ont arrêté 18 nouvelles personnes, a annoncé la police. Elles viennent s'ajouter aux 40 précédemment interpellées.

Le ministre sri-lankais de la Défense, Ruwan Wijewardene, prend la parole lors d'une conférence de presse à Colombo le 24 avril 2019.
Le ministre sri-lankais de la Défense, Ruwan Wijewardene, prend la parole lors d'une conférence de presse à Colombo le 24 avril 2019. ISHARA S. KODIKARA / AFP
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Ils sont riches, éduqués et certains ont même vécu en Occident. Voici une esquisse du profil des terroristes, dressé ce matin par le ministre adjoint de la Défense, rapporte notre envoyé spécial à Colombo Sébastien Farcis. Selon le ministre, la police a l’identité de huit des neuf terroristes, dont sept hommes et une femme. Tous sont Sri-lankais.

L’un des kamikazes a été à l’université en Angleterre, avant de poursuivre un master en Australie. Deux autres sont des frères, originaires d’une famille aisée de commerçants d’épices de Colombo. Dans l’ensemble, dit le ministre, ils sont bien éduqués et viennent de la classe moyenne supérieure. Leur acte de barbarie n’a donc rien, à première vue, d’une révolte de musulmans pauvres et opprimés. C’est d’ailleurs un profil assez commun des terroristes islamistes contemporains, qui se sont radicalisés lors de leurs voyages à l’étranger et de leurs contacts avec des mouvements extrémistes du Moyen-Orient, et ont les moyens d’organiser de telles attaques.

C’est pour cela que beaucoup parlent ici d’un terrorisme « importé », car la communauté musulmane locale, elle, ne se reconnaît pas dans cette hostilité envers les chrétiens. Il n’y a d’ailleurs jamais eu de conflit de la sorte entre ces deux minorités du pays.

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100 à 150 individus radicalisés au sein du NTJ

La police s'interroge sur le rôle central qu'aurait joué dans ces attaques un prédicateur musulman, Zahra Hashim, et sur l'implication d'un groupe islamiste local, le National Thowheeth Jama'ath. « Des organisations comme le National Thowheeth Jama'ath sont présentes sur le terrain depuis des décennies », rapporte Vikram Rajakumar, consultant à Singapour sur les questions de sécurité et de menaces terroristes, au micro de Jelena Tomic.

« Elles s'occupent d'oeuvres de charité pour les plus pauvres, de collectes de fonds pour une éducation gratuite ou d'assurer des services d'ambulances dans les zones rurales. Ce sont des organisations non-gouvernementales qui n'ont aucun lien avec des organisations terroristes. Cependant, et j'insiste bien là-dessus, il y a un certain nombre d'individus à l'intérieur de ces organisations qui ont adopté l'idéologie islamiste radicale. Nos analyses des profils sur les réseaux sociaux ont identifié entre 100 et 150 individus radicalisés. »

Le NTJ et l’organisation État islamique oeuvrent-ils de concert?

Quant à savoir si le NJT a reçu une quelconque assistance de l'organisation État islamique dans l'élaboration de ces attaques suicides, « c’est très difficile à savoir à ce stade de l’enquête, estime Vikram Rajakumar. À mon avis, le groupe État Islamique revendiquera toujours des attaques comme celles-ci. Mais si l'on observe la coordination des attaques et leur mode opératoire, il est plus que probable qu'une organisation soit derrière la vague d'attentats, et pas forcément l'EI. Les auteurs n'ont pas pu agir seuls et ont certainement bénéficié du soutien d'experts en fabrication d'explosifs. »

« Au Sri Lanka, le LTTE, le mouvement des Tigres de libération de l'Ilam Tamoul, était réputé pour leurs attaques-suicides, rappelle-t-il. Il se pourrait très bien qu'un ancien artificier de ce mouvement soit toujours en activité. L'enquête devra le démontrer. »

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« Il est très probable que des attaques comme au Sri Lanka se reproduisent » en Asie du Sud-Est

L’expert avoue ne pas avoir anticipé un attentat d’une telle ampleur au Sri Lanka. Ce dernier « figurait en dernière position sur [sa] liste de pays qui pourraient être frappés par l'islamisme radical, explique-t-il. Tout simplement parce que ce pays dispose d'un réseau de sécurité extrêmement rigoureux. Il y a 10 ans, le Sri Lanka s'est débarrassé du LTTE. Dans un pays en train de se reconstruire après cette guerre, l'islamisme radical était la dernière chose qui pouvait lui arriver. Aucun expert n'aurait pu prévoir cela. La résurgence du LTTE, peut-être, mais pas une attaque d'islamistes radicaux de cette ampleur. »

« Le Sud-Est asiatique a toujours été un foyer pour les activités des fondamentalistes, rappelle-t-il. Quand on parle du sud-est asiatique, on pense en particulier à la Malaisie, la Thaïlande ou encore l'Indonésie. Par conséquent, il est très probable que des attaques comme au Sri Lanka se reproduisent dans la région. »

Les experts ont constaté l'interconnexion des petits groupes islamistes radicaux en Asie du Sud-Est, qui s'organisent en réseau pour plus d'efficacité, rapporte Vikram Rajakumar. « C'est quelque chose que nous avons constaté à la fin du siège de Marawi, aux Philippines. Des petits groupes ont réuni leur force pour frapper ensemble, plutôt que chacun de leur côté. »

« Je pense que l'EI n'est pas capable de mobiliser des forces sur le terrain, poursuit-il. En revanche, ils sont très bons pour influencer les mouvements via les réseaux sociaux. Et je suis convaincu que c'est par ce biais-là qu'ils mobilisent les troupes en Asie du Sud-Est, pour frapper sur le terrain. »

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