Accéder au contenu principal
ASEAN / Singapour

32e Sommet de l’ASEAN: cinq questions à Bill Hayton

Singapour qui assure la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), accueille le 32e sommet de l’Asean qui s’est ouvert ce mercredi 25 avril dans la cité-Etat. Au menu : la crise rohingaise, l’impact de la dénucléarisation de la Corée du Nord, mais aussi la question du libre accès de la mer de Chine méridionale et les conséquences de l’intensification des rivalités sino-américaines, notamment dans le domaine commercial. Bill Hayton, chercheur au think-tank Chatham House basé à Londres et spécialiste de la géopolitique en Asie, répond aux questions de RFI sur la marge de manœuvre des dix pays qui constituent le bloc régional asiatique, confronté à de nombreux défis internes et externes.

Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'Asean pendant la cérémonie d'ouverture du 50e forum à Manille, le 5 août 2017.
Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'Asean pendant la cérémonie d'ouverture du 50e forum à Manille, le 5 août 2017. REUTERS/Mohd Rasfan
Publicité

Quels sont les enjeux de ce nouveau sommet de l’Asean ?

«  Résilience  » et « innovation  » sont les deux thèmes qui ont été retenus pour cette nouvelle édition de la rencontre au sommet des dix pays qui forment l’Asean. Mais compte tenu des crises internes et externes graves auxquelles la région est confrontée depuis quelques mois, l’essentiel des travaux de ce sommet consistera, me semble-t-il, à montrer la capacité des pays membres à prendre à bras le corps les problèmes, tout en ne s’écartant pas du traditionnel principe de non-ingérence dans leurs affaires domestiques. Il n’en reste pas moins que la situation créée par l’offensive de l’armée birmane contre la minorité musulmane rohingya dans l’Etat Rakhine et la fuite au Bangladesh de près de 700 000 rohingais constitue l’une des plus grandes crises de droits humains que le bloc asiatique a rencontrée depuis sa création en 1967. L’affaire divise profondément l’Asean, avec les trois pays membres majoritairement musulmans, à savoir Brunei, la Malaisie et l’Indonésie, qui ont critiqué ouvertement Myanmar pendant les précédents sommets. C’est sans doute la crainte de se voir de nouveau clouée au pilori qui a poussé la dirigeante birmane Aung Saan Suu Kyi à ne pas participer au sommet de Singapour. D’ailleurs, les Birmans ne sont pas très contents et rappellent que Myanmar est un Etat souverain et que l’Asean n’a pas vocation à s’immiscer dans une affaire strictement interne à leur pays.

Bill Hayton est chercheur à Chatham House, Londres, spécialiste de la géopolitique en Asie.
Bill Hayton est chercheur à Chatham House, Londres, spécialiste de la géopolitique en Asie. Chatham House

Où en est le code de bonne conduite sur lequel travaille l’Asean pour résoudre la question de la domination chinoise en mer de Chine méridionale qui est un autre sujet d’inquiétude pour les pays membres ?

Selon nos sources, la rédaction de ce code de bonne conduite est en bonne voie, mais il ne pourra pas être finalisé car les discussions sont complexes. Quel sera le sort des îles artificielles déjà créées par la Chine pour servir de base à sa marine, constitue la pierre d’achoppement des négociations en cours. Il me semble toutefois qu’à Singapour, l’inquiétude suscitée par l’intensification de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis risque d’éclipser les revendications liées à la situation en mer de Chine méridionale. Les rivalités commerciales entre les deux pays sont susceptibles d’avoir des retombées graves pour la région car la Chine est le principal partenaire commercial de nombreuses économies d’Asie du Sud-Est. Certaines d’entre elles lui fournissent des matières premières, alors que d’autres assemblent des composants pour des produits exportés par Pékin. L’exemple qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est celui des fabricants de disques durs en Thaïlande dont sont équipés les ordinateurs exportés par la Chine. L’industrie électronique risque d’être durement touchée par la demande faite par Donald Trump à son administration d’imposer des droits de douane sur 100 milliards de dollars supplémentaires d’importations chinoises.

Quelle pourrait être l’impact de la dénucléarisation de la Corée du Nord qui sera actée lors de la prochaine rencontre au sommet de Donald Trump et Kim Jung-un ?

L’année dernière, le sommet de l’Asean s’était ouvert à Manille avec la condamnation nette et claire de la menace nucléaire brandie par la Corée du Nord, sans que toutefois celle-ci soit exclue du forum régional de l’Asean. La tension est retombée cette année, avec la suspension de ses essais nucléaires par Pyongyang qui donne des gages afin de tenter de faire lever les sanctions économiques. La levée des sanctions économiques va profiter aux voisins de la Corée du Nord, dont les pays de l’Asean parmi lesquels la première compte beaucoup d’amis. L’évolution de la situation de la Corée du Nord sera sans doute évoquée dans le communiqué final, sans qu’elle soit au cœur des débats du sommet.

Créée en 1967, l’Asean a soufflé l’année dernière ses 50 bougies. Qu’est-ce qui fait la spécificité de cette organisation régionale comparée aux autres ensembles tels que l’Union européenne ou l’Union africaine ?

C’est le degré très limité d’intégration politique de ses pays membres qui distinguel’Asean de l’Union européenne ou de l’Union africaine. Les Etats qui constituent ce bloc sont particulièrement jaloux de leur souveraineté nationale. Ce qui explique qu’ils n’ont pas de politique étrangère commune. Ou encore, le secrétariat de l’Asean n’a aucune marge de manœuvre, contrairement à la Commission européenne ou la Commission africaine. C’est une situation qui convient aux acteurs politiques de ces pays qui aiment rappeler que leur faible niveau d’intégration les protège des dérives du type « Brexit » qu’a connue l’UE. Toutefois, ce déficit d’intégration politique n’a pas empêché les dix Etats de progresser rapidement sur la voie de l’intégration économique, en harmonisant des standards, des tarifs… Les ombres au tableau concernent les barrières non tarifaires aux échanges ou encore les entraves à la libre circulation des services et des travailleurs qualifiés. L’Asean œuvre actuellement pour la mise en place à l’horizon 2025 d’une communauté économique, appuyée sur « un marché unique et une base productive intégrée ». Elle est à 90% opérationnelle au jour d’aujourd’hui.

L'ASEAN s'est constituée en 1967 à partir de cinq pays, puis s'est élargie.
L'ASEAN s'est constituée en 1967 à partir de cinq pays, puis s'est élargie. http://www.casa.umontreal.ca/pegase/pbinter/asean.htm

Singapour qui préside l’Asean cette année, est l’un des pays fondateurs de ce bloc régional. Quel rôle joue la cité-Etat au sein de cette organisation ?

Brunei et Singapour sont les membres les plus prospères de l’Asean, avec 31 431 et 56 300 dollars américains, respectivement. Alors que Brunei doit sa richesse à ses matières premières, la prospérité de Singapour, dépourvue de ressources naturelles, découle de la sophistication de son économie. Championne du libéralisme économique et de l’intégration commerciale, ce pays est loin devant les autres Etats de la région en matière d’éducation et de développement. L’un des cinq membres fondateurs de l’Asean, la cité-Etat a contribué à la transformation de l’organisation en une force économique régionale viable. Elle a surtout fait profiter l’Asean de la maturité de sa diplomatie qui a réussi à ménager l’équilibre entre les différents partenaires étrangers, notamment avec la Chine et les Etats-Unis. Aujourd’hui l’Asean entretient des relations économiques solides avec les Etats-Unis, sans avoir pour autant aliéné la Chine.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.