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Maldives

Les Maldives, un pion sur l’échiquier de l'Inde et de la Chine

Alors que l’état d’urgence se poursuit aux Maldives, l’Inde voisine, appelée à l’aide par l’opposant Mohamed Nasheeed, doit composer avec l’influence croissante de la Chine.

Vue aérienne de l'île de Malé, capitale des Maldives.
Vue aérienne de l'île de Malé, capitale des Maldives. Roberto SCHMIDT / AFP
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Paradis pour touristes fortunés, l'archipel des Maldives s’enfonce dans une crise politique sur fond de lutte d’influence. Mardi 6 février, l’opposant et ancien président en exil Mohamed Nasheed a lancé un appel à l’Inde et aux Etats-Unis pour l’aider à « évincer » le chef de l’Etat Abdulla Yameen. Dans un communiqué, il  a réclamé une intervention militaire indienne et le blocage des transactions en dollars pour les responsables du régime. La veille, Abdulla Yameen a décrété l’état d’urgence. Son lointain prédécesseur, Maumoon Abdul Gayoom, et le président de la Cour suprême, tous deux proches de la mouvance démocratique, ont été arrêtés.

« L’appel lancé à New Delhi est naturel », estime Olivier Guillard, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). L’Inde est la grande puissance régionale. Septième économie mondiale, elle est également le premier acteur politique, économique, diplomatique et militaire dans cette partie du continent asiatique qu’elle considère comme son pré-carré.

« Sa trésorerie lui permet à la fois de concevoir son futur propre à moyen et plus long terme avec sérénité et d’en faire profiter ses voisins, à travers des projets de développement, d’assistance économique, technique, financière, d’échange et d’expertise », analyse Olivier Guillard. Les Maldives profitent ainsi d’un accès privilégié aux produits de consommation indiens, tandis qu’une large partie de sa population va se faire soigner dans les hôpitaux du Kerala et du Tamil Nadu, dans le sud du pays.

Cet appel lancé à New Delhi est d’autant plus logique que Mohamed Nasheed s’est toujours revendiqué d’une idéologie démocratique. Premier président élu du pays à l’issue d’un scrutin multipartite en 2008, il a renforcé son aura à l’international en devenant l’un des fers de lance de la lutte contre le réchauffement climatique. En se tournant vers ce puissant voisin, l’opposant en exil s’adresse également à la plus grande démocratie du monde et celle qui fonctionne le mieux dans la région.

Des options limitées

Si New Delhi s’est pour l’instant contenté d’appeler à la restauration de la démocratie, elle réfléchirait à une réponse plus musclée, indiquait le site d’information indien The Wire dans un article publié le 6 février. Les options sont cependant limitées. Des sanctions économiques risqueraient de lui attirer l’hostilité de la population maldivienne, et l’éventualité d’une intervention militaire semble pour le moment écartée.

Une telle intervention ne serait pas sans précédent. En 1988, à l’instigation d’un homme d’affaires maldivien, des mercenaires sri-lankais avaient tenté de renverser le président d’alors, Maumoon Abdul Gayoom. Répondant à son appel à l’aide, New Delhi y avait dépêché des troupes en un temps record, faisant échouer le coup d’Etat. Les circonstances sont cette fois différentes. D’une part, l’Inde ne répondrait pas à une action extérieure. D’autre part, elle ne dispose plus des mêmes marges de manœuvre et doit désormais composer avec le grand rival chinois.

L’influence croissante de Pékin

Pékin n’a d’ailleurs pas tardé à mettre en garde contre toute tentative d’ingérence. « La communauté internationale devrait jouer un rôle constructif dans le respect de la souveraineté des Maldives plutôt qu’en prenant des mesures qui pourraient compliquer la situation actuelle », a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères.

« Si la Chine est mécontente de ce que sera la politique indienne vis-à-vis des Maldives, il pourrait y avoir des contrecoups, non pas forcément dans la zone mais le long de la frontière himalayenne, comme on en a eu l’été dernier, prévient Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS. Les relations sino-indiennes sont bien calibrées, mais il y a toujours la marge pour des incidents frontaliers très mesurés, et dont la limite ou l’ampleur sont porteurs d’un message diplomatique. »

Car depuis le coup d’Etat de février 2012 qui avait renversé le président Nasheed, les Maldives se sont considérablement rapprochées de la Chine au détriment de l’Inde. Fin 2012, peu après une visite du ministre chinois de la Défense dans le pays, un consortium indien a ainsi été éjecté d’un important contrat pour la gestion de l’aéroport international de Malé, la capitale. « Deux mois plus tôt, la Chine allouait aux Maldives une enveloppe conséquente (400 millions d’euros, soit le quart du PIB maldivien) pour le financement de différents projets d’infrastructures », rappelle Olivier Guillard dans un article de 2013. Et en décembre dernier, les deux pays ont conclu un accord de libre-échange, offrant au secteur de la pêche maldivien l’accès à un immense marché.

Un rapprochement intéressé

Ce rapprochement n’est pas désintéressé. Il permet au président Yameen de s’émanciper de la tutelle de l’Inde. Pour Pékin, il contribue à poursuivre le tissage de son « collier de perles » en renforçant sa présence dans l’océan Indien et la sécurisation de ses routes commerciales maritimes. Les Maldives se trouvent en effet sur le passage de l’une d’elles, qui part du golfe d’Aden, contourne l’Inde avant de rejoindre le détroit de Malacca. « Cela rentre aussi dans le grand plan de Xi Jinping que sont les routes de la soie, le ‘belt and road initiative’, avec les volets maritimes de ce projet pharaonique qui incluent notamment les Maldives », souligne Jean-Luc Racine.

Face à cette présence croissante qu’elle juge menaçante, New Delhi s’emploie à consolider ses relations avec les autres puissances régionales. En mai dernier, en réponse aux « routes des soies » l’Inde a dévoilé un autre projet de route commercial, le corridor de la croissance Asie-Afrique, surnommé la « route de la liberté ». Le projet, porté conjointement avec le Japon, vise à redynamiser d’anciennes routes commerciales maritimes reliant l’Afrique au Pacifique en passant par l’Asie du Sud et du Sud-Est, rapportait alors Le Monde. Cela passe aussi par l’« alliance Indo-Pacifique » en construction, qui vise à renforcer les relations entre l’Inde, les Etats-Unis, le Japon et l’Australie.

Ainsi, pour Jean-Luc Racine, si dans ce contexte les Maldives ne sont pas terriblement décisives, elles représentent « un pion sur l’échiquier ».

→ (RE)DECOUVRIR notre dossier sur RFI Savoirs : L'Inde et la Chine

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