Accéder au contenu principal
Australie

Législatives en Australie: libéraux et travaillistes au coude-à-coude

Les électeurs australiens sont convoqués aux urnes samedi 2 juillet, au terme de l’une des campagnes les plus longues qu’a connu l’Australie pour élire ses députés de la chambre basse, et peut-être aussi l’une des plus insipides. Entre le peu charismatique Bill Shorten côté travailliste, et le peu inspiré Malcolm Turnbull, Premier ministre libéral sortant qui a emprunté son slogan, « la continuité dans le changement » à une série télévisée américaine, aucun des deux grands partis n’a su véritablement creuser l’écart. Les électeurs auront à se prononcer sur la privatisation ou non du système de couverture maladie, sur les investissements de l’État en matière d’éducation et plus généralement sur la politique économique du pays. 

Duel serré entre la coalition conservatrice au pouvoir et l'opposition travailliste dans les urnes en Australie, samedi 2 juillet 2016.
Duel serré entre la coalition conservatrice au pouvoir et l'opposition travailliste dans les urnes en Australie, samedi 2 juillet 2016. REUTERS/Jason Reed
Publicité

Comme souvent dans ce pays continent connu pour ses kangourous, ses drag-queens et ses surfeurs, la faune est partie prenante de la campagne électorale en Australie. Et nous ne parlons pas ici seulement de la faune des politiciens en campagne, mais bien, comme le soulignait l’écrivain Bill Bryson, de « bestioles parmi les plus voraces du globe ».

Face à des sondages annonçant des résultats dans un mouchoir de poche, les télévisions australiennes, probablement dévorées par le suspens, ont donc ressorti Burt le… crocodile !

Kangourou au C4

Au pays de Crocodile Dundee, rien d’étonnant à ce qu’un reptile de 700 kilos remplace Paul le poulpe pour prédire l’avenir et en l’occurrence l’issue du scrutin. Rien d’étonnant non plus à ce que l’histoire d’une « bombe kangourou » soit revenue dans le fil des actualités cette semaine.

Un Australien de 18 ans interpellé à Melbourne l’année dernière, a reconnu devant la justice avoir préparé et planifié une attaque terroriste le 25 avril, jour de l’Anzac et de parade pour l’armée australienne. Dans le script des conversations téléphoniques du jeune homme fournies au tribunal par les enquêteurs, il était question notamment de placer une ceinture de C4 sur un kangourou et de peindre sur l’animal les symboles du groupe Etat Islamique.

Brexit

Et que dit Burt dans tout ça ? Après des grands coups de mâchoire dans le vide, le crocodile a finalement attrapé l’appât relié à la photo de Malcolm Turnbull, 61 ans, devant les photographes, prédisant ainsi une légère avance des conservateurs samedi dans les urnes.

L’actuel Premier ministre entend faire la différence notamment grâce au Brexit, en espérant que la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni suscite le même écho et la même émotion en Australie que la crise des réfugiés du cargo norvégien Tampa en 2001.

Un évènement extérieur qui s’invite dans la campagne pour booster le score des conservateurs ? Pour la plupart des spécialistes, l’effet du Brexit sera en réalité limité. « La sortie du Royaume-Uni de l’Europe a été utilisée par le parti libéral et le Premier ministre Malcom Turnbull pour insister sur la nécessité de conserver une certaine stabilité en politique, explique le très australien David Cameroux. Il s’agit grosso modo de mettre en garde les électeurs sur les risques liés à un nouveau changement de majorité, poursuit ce directeur de recherche au CERI et expert sur la région Asie-Pacifique, mais pour l’instant les sondages montrent que ça a eu peu d’impact ».

Cinq Premiers ministres en 5 ans

« Le Brexit n’a pas fait une entrée significative dans la campagne, confirme Xavier Pons. D’abord parce que le Brexit n’appelle pas de réaction politique de la part de l’Australie, du moins dans l’immédiat, ensuite parce qu’il n’y a pas de différence significative entre les deux camps, libéraux et travaillistes partagent les mêmes vues sur le sujet ». La question de la stabilité et du « moi ou le chaos » pourrait en revanche peser davantage sur le vote : « Malcolm Turnbull est le 5e Premier ministre qu’a connu l’Australie en 5 ans. Si jamais il venait à perdre son poste et à être remplacé par Bill Shorten, ce serait une première dans ce pays ! Cela ferait 6 Premiers ministres en 6 ans et donc une instabilité jamais vue», explique ce professeur émérite à l’Université de Toulouse Jean-Jaurès et grand spécialiste de l’Australie.

Cette instabilité n’est pas liée au système électoral, mais aux querelles fratricides à l’intérieur des partis. L’ancien chef de gouvernement Kevin Rudd a été renversé par sa collègue travailliste Julia Gillard en 2010. Le Premier ministre sortant Malcolm Turnbull doit lui son arrivée au pouvoir en septembre 2015 à un putsch à la tête du parti conservateur et à la destitution de l’ancien premier ministre libéral Tony Abbott.

Mouchoir de poche

La politique australienne, véritable panier de crabes ou piscine aux requins pour ceux qui souhaitent filer la métaphore animale; une chose est certaine, Malcolm Turnbull a fait un pari risqué en avançant la date du scrutin qui devait se tenir avant janvier 2017. L’ombre du Brexit et la « nécessité d’un cap économique stable » semblent avoir donné un léger avantage aux libéraux, mais les résultats seront très serrés de l’avis de la plupart des spécialistes. « La campagne a été particulièrement longue et les travaillistes donnés comme très largement perdants au début de la campagne ont su petit à petit marquer des points et rattrapés leur retard», explique le professeur Xavier Pons.

« Bill Shorten, 49 ans, c’est vraiment l’apparatchik type des partis travaillistes. C’est un ancien syndicaliste, un homme relativement peu charismatique et effacé, mais qui s’est révélé plus tenace que prévu pendant la campagne, poursuit David Cameroux. Malcom Turnbull à l’inverse est un homme d’affaires qui a réussi et habitué au feu des projecteurs. Il avait de bonnes intentions sur des questions comme le changement climatique, mais il est arrivé au pouvoir en ‘défenestrant’ son prédécesseur Tony Abbot. Du coup, il a été obligé de s’accommoder avec l’aile droite de son parti, dont il est un peu prisonnier. C’est pour cela qu’il a provoqué ces élections pour avoir les mains plus libres. »

Un système électoral « anti populisme »

« Le système électoral australien et le mode de scrutin sont faits pour éparpiller l’impact des votes populistes, souligne David Cameroux. En Australie, le vote est obligatoire dès que vous êtes inscrits sur les listes électorales, ce qui règle le problème de l’abstention. Nous avons aussi un mode de scrutin avec un système préférentiel qui règle le problème du vote utile. On peut voter en première préférence pour un candidat populiste ou farfelu, et mettre en deuxième choix un candidat venu d’un grand parti. » Le bipartisme a jusqu’à présent contribué à repousser le vote de contestation.

Certains sondages laissent toutefois percevoir une certaine lassitude face à l’inusable alternance entre libéraux et travaillistes. Malcolm Turnbull qui espère asseoir sa majorité au Sénat pourrait être contredit dans son ambition. « Même si les conservateurs ou les travaillistes remportent la chambre basse du Parlement, explique David Cameroux, il est très probable qu’aucun des grands partis n’aura la majorité au Sénat, car l’élection des sénateurs répond à la fois à un votre préférentiel et à un vote proportionnel. Ces derniers seront donc obligés de composer avec les petits partis, et même avec d’éventuels candidats populistes ». Le nombre d’élus indépendants ou issus des partis minoritaires, comme les Verts, pourrait ainsi augmenter.

Medicare

Face à l’argument du Brexit, les travaillistes ont tenté de recentrer le débat sur les questions de société. Ce qui a donné lieu à l’opposition classique des campagnes australiennes : d’un côté, des libéraux qui se disent les seuls à être légitimes à la tête des affaires et concernant la bonne gouvernance économique du pays. De l’autre, des travaillistes qui se considèrent comme seuls garants du système de sécurité sociale et éducatif.

« Depuis la mise en place de Medicare par le gouvernement travailliste de Gough Whitlam dans les années 70, rappelle Xavier Pons, les libéraux jugent que le système coûte trop cher et veulent le réduire. A l’inverse, les travaillistes veulent préserver Medicare et affirment que leurs adversaires entendent démanteler le système en l’externalisant pour partie vers le privé ». La différence la plus marquante entre les deux grands candidats se trouve peut-être dans la promesse de Bill Shorten si les électeurs le choisissent évidemment, de faire voter dans les 100 jours qui suivront sa prise de poste une loi autorisant le mariage gay.

Manus horribilis

Du côté des conservateurs, l’immigration a été un des éléments mis en avant pendant la campagne. Les libéraux pointent du doigt, là encore, le Royaume-Uni et l’anxiété supposée d’une partie des Britanniques autour de la question des migrants qui aurait conduit au Brexit. Un argument qui n’a pas beaucoup de poids estime David Cameroux au regard de la situation économique du pays : « L’Australie est un pays d’immigration qui accepte par tête d’habitants, deux fois plus d’immigrés que la Grande-Bretagne. Avec une croissance de 2 ou 3 % et un chômage à 5 %, il n’y a pas ce phénomène de rejet de l’étranger que l’on peut voir en Angleterre lié à la peur de perdre son boulot. Ce qui pose davantage problème c’est la question de l’immigration illégale, mais depuis la fermeture par la Cour suprême du centre de rétention sur l’île de Manus le débat n’a plus la même intensité que lors de la campagne il y a deux ans. »

L’Australie repousse les bateaux de réfugiés venus essentiellement du Sri Lanka et de l’Indonésie, elle a délocalisé ses centres de rétention dans les îles du Pacifique. Les ONG, l’ONU et une petite partie de l’opinion australienne a vivement critiqué cette non-gestion des boat people. « Ces centres de rétentions à Manus et à Nauru continuent de poser un problème moral à l’Australie, estime Xavier Pons. Des milliers de malheureux qui ont quitté leur pays parce qu’ils étaient persécutés se retrouvent à nouveau persécutés, certains vont jusqu’au suicide ou à des automutilations. De ce point de vue, il y a un consensus entre les deux grands partis favorables à une politique de dissuasion très dure vis-à-vis des passeurs et ces élections ne vont rien résoudre sur ce plan. »

Chine / États-Unis

Consensus sur la politique migratoire, consensus aussi sur la politique internationale. Si l’ancien premier ministre Tony Abott a semblé regretter que les questions internationales soient peu présentes dans la campagne, c’est aussi parce que la vision des deux grands partis est assez similaire.

Les États-Unis sont toujours perçus comme les garants de la sécurité du pays et la Chine comme son moteur économique affirme encore David Cameroux : « Il y a de toute façon un consensus entre le parti travailliste et le parti libéral sur la nécessité d’une alliance avec Washington, même s’ils sont un peu inquiets de la montée de Donald Trump. Quant à Pékin, la Chine étant le principal partenaire de l’Australie, libéraux et travaillistes ont là aussi la même approche ». Une similitude de point de vue sur de nombreux sujets qui risquent peut-être de compliquer le choix des électeurs devant les urnes samedi 2 juillet 2016.

 

Le libéral Malcolm Turnbull ne propose rien de nouveau, il veut juste respecter l'objectif qu'il a présenté à la COP21 - réduire les émissions de l'Australie de 26 à 28% en 2030 par rapport au niveau de 2005. Le travailliste Bill Shorten s'engage à réduire les émissions de 45% d'ici 2030. Quant aux méthodes, Malcolm Turnbull veut continuer à subventionner les entreprises pour qu'elles polluent moins. Bill Shorten veut créer à la place deux marchés carbones, un pour l'électricité, l'autre pour le reste de l'économie.

03:08

Les élections législatives australiennes racontées par la correspondante de RFI à Melbourne

Caroline Lafargue

 

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.