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Corée du Nord

Un congrès «à l'ancienne» en guise de sacre pour Kim Jong-un

Marteau, faucille et pinceau: les symboles du Parti des travailleurs de Corée tapissent les murs de Pyongyang plus encore qu’à l’habitude. Les chorales sont de sortie, l’armée et les écoles ont été mobilisées à l’image d’une Corée du Nord tout entière derrière son leader. C’est en tous cas l’effet recherché par la propagande. A la veille de l’ouverture ce vendredi 6 mai du congrès du Parti des travailleurs de Corée, les journaux officiels ont bombardé les délégués de louanges et encouragent la population à faire démonstration de son ardeur patriotique. Voilà 36 ans qu’un tel évènement ne s’était pas produit. Un congrès pendant lequel seront vantées les réalisations de Kim Jong-un, tant en matière militaire qu’économique.

Depuis plus de deux mois, les trois millions d'habitants de la capitale nord-coréenne se préparent au congrès du Parti des Travailleurs qui devrait renforcer le pouvoir de Kim Jong-un.
Depuis plus de deux mois, les trois millions d'habitants de la capitale nord-coréenne se préparent au congrès du Parti des Travailleurs qui devrait renforcer le pouvoir de Kim Jong-un. REUTERS/Damir Sagolj
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Aun no se conocen los detalles sobre el congreso del Partido comunista de Corea del norte, que podría durar varios días.
Aun no se conocen los detalles sobre el congreso del Partido comunista de Corea del norte, que podría durar varios días. Reuters

Le journal du Parti des travailleurs  n’y va jamais avec le dos de la cuillère lorsqu’il s’agit d’encenser les hauts responsables du parti. Le quotidien qualifie la grande messe du parti unique fondé par Kim Il-sung d’événement « sacré ». Kim Jong-un, le petit fils, a même le droit à un titre emprunté à son grand-père, « grand soleil de l’Humanité » et se voit qualifier de « grand soleil du XXIe siècle ».

Le congrès qui s’est ouvert vendredi 6 mai à Pyongyang doit en effet servir de couronnement au jeune dirigeant. Kim Jong-un, 33 ans, est à la tête du pays depuis quatre ans. Quatre ans de purge pour évincer ses rivaux au sein de l’appareil, et derrière lui un essai nucléaire souterrain et plusieurs tests de missiles balistiques. Le jeune dirigeant a le doigt sur le bouton atomique. A tout moment il pourrait procéder à un nouvel essai pendant le congrès, laissent entendre les services secrets sud-coréens.

Une politique de dissuasion nucléaire qui n’est pas sans conséquence. Suite à l’essai souterrain du 6 janvier dernier, et à la mise en orbite d’un satellite, le Conseil de sécurité de l’ONU, allié chinois compris, a voté de nouvelles sanctions. Ce renforcement de l’embargo contribue à isoler un peu plus la Corée du Nord. La liste des invités à ce congrès s’en trouve donc forcément diminuée. Selon les médias officiels chinois, la délégation de Pékin aurait été réduite a minima. Lors du 70e anniversaire du Parti des travailleurs de Corée en octobre dernier, le régime chinois avait envoyé à Pyongyang l’un des 7 membres du comité permanent du bureau politique du parti communiste chinois.

« Lors du sixième Congrès en 1980, nous avons assisté aux débuts formels de Kim Jong-il, le père de l’actuel dirigeant, explique Adam Catchcart. Les délégations étrangères et spécialement la délégation chinoise venait vérifier que Kim Jong-il entrait bien dans le cadre du marxisme-léninisme, et que la succession héréditaire en Corée du Nord n’allait pas modifier les relations avec la Chine, poursuit ce spécialiste des relations entre la Chine et la Corée du Nord à l’Université de Leeds au Royaume-Uni. Les autorités nord-coréennes avaient d’ailleurs dû envoyer une délégation à Pékin, afin d’évoquer la succession de Kim Jong-il avec le politburo chinois. Aujourd’hui, la situation est totalement différente. On est dans le fait accompli et Kim Jong-un est bien en place ».

Campagne des « 70 jours »

Portraits de Kim Il-sung et Kim Jong-il, à Pyongyang le 3 mai 2016.
Portraits de Kim Il-sung et Kim Jong-il, à Pyongyang le 3 mai 2016. Reuters

Le grand frère chinois ne valide plus les successions chez l’allié nord-coréen et la dynastie des Kim n’a plus besoin de simuler l’obtention d’une permission de Pékin à chaque passage de témoin. C’est aussi une question de « face » pour les autorités chinoises. Suite à l’essai nucléaire de janvier dernier, une partie de l’opinion publique en Chine comprendrait difficilement l’envoi d’une délégation prestigieuse. Les diplomates chinois pourraient donc assister au sacre de Kim Jong-un depuis leur ambassade. Une situation qui contraste avec le précédent congrès. En 1980, Pyongyang avait vu débarquer des représentants de tout l’ex-bloc de l’Est. 177 délégations venues de 118 pays étaient présentes au passage de relais entre Kim Il-sung et Kim Jong-il.

Cette fois, ce sera forcément beaucoup moins, même si les médias étrangers ont été conviés pour les célébrations. Une manière de montrer au monde que toute la population est mobilisée derrière l’évènement : « Ce Congrès met fin à la campagne de 70 jours qui l’a précédé, explique Adam Catchcart. J’étais en Corée du Nord le mois dernier, les gens travaillaient extrêmement dur poursuit ce professeur à l’université de Leeds et rédacteur en chef du site SinoNK. Ce sont des travaux collectifs. J’ai vu certains habitants déplacés des déchets en chantant pour amoindrir l’effort, d’autres étaient employés à refaire les routes, d’autres à construire un barrage ou des canaux d’irrigation. C’est ici une manière de ressouder la collectivité avant le Congrès ».

Un ouvrier en bâtiment pris en photo lors d'une visite guidée organisé par le gouvernement pour les journalistes étrangers, aux alentours de Pyongyang, le 4 mai 2016.
Un ouvrier en bâtiment pris en photo lors d'une visite guidée organisé par le gouvernement pour les journalistes étrangers, aux alentours de Pyongyang, le 4 mai 2016. REUTERS/Damir Sagolj

Cet élan patriotique est encouragé par la propagande. Les médias officiels glorifient l’esprit de sacrifice et l’engagement de chacun, note l’agence France Presse. Ici, c’est un couple de paysans qui a décidé de continuer à travailler le jour de son mariage, là une femme agent de sécurité qui a insisté pour être à son poste au lendemain du décès de son époux. « On rénove les routes, on reconstruit et chacun est invité à donner un petit peu d’argent en échange théoriquement de jours de congés ou de récompenses souligne Juliette Morillot. Il s’agit de préférence de devises étrangères, et c’est important, ajoute la co-auteure de Les Evadés de Corée du Nord paru aux éditions Belfond, quand on sait à quel point la Corée du Nord est étranglée par les sanctions internationales. »

Byongjin ou « double poussée »

Pour cela, les « Donju » (« Don » pour argent, et « ju » pour maître), « ces femmes de la nouvelle classe moyenne qui se sont enrichies au moment de la famine et qui ont des devises ont été sollicitées, précise Juliette Morillot, sachant qu’en Corée du Nord la plupart des transactions se font en yuans, en euros ou en dollars et non en wons. Cette campagne des « 70 jours » ressemble ainsi à la « lutte des 100 jours » qui a précédé le congrès de 1980. Tel grand-père, tel petit fils… Kim Jong-un, fait tout pour raviver le souvenir de son grand-père, le très populaire fondateur de la République populaire de Corée.

« Kim Jong-un veut absolument se mettre dans les pas de Kim il-sung son grand-père par ce que c’est une époque aux yeux des Nord-Coréens de prospérité et de bonheur souligne Juliette Morillot. Physiquement Kim Jong-un ressemble à son grand-père, il emploie une rhétorique très similaire en essayant de se distinguer de son père Kim Jong-il qui est moins apprécié par les Nord-Coréens, car sous sa gouvernance il y a eu la fameuse grande famine des années 90. Nous sommes là dans une affaire très symbolique. Il ne faut pas oublier que depuis la date du premier congrès en 1946, il n’y a eu que six congrès et nous en sommes maintenant au septième. C’est une façon de se placer dans l’histoire de la Corée du Nord de façon grandiose »

►A LIRE la passionnante chronologie des congrès et conférences du Parti des travailleurs de Corée sur le site NKNews

Après la doctrine du Juche (marxisme-léninisme teinté de nationalisme) prônée par Kim Il-sung, après le Songun (l’armée d’abord) de Kim Jong-il, Kim Jong-un défend la stratégie dite du « Byongjin » (développement parallèle de l’armée et de l’économie). Là encore la doctrine date des années soixante : « Le Byongjin ou la double poussée consiste à mener de front l’essor technologique et nucléaire, mais également sur l’économie et sur le bien-être du peuple. La doctrine remonte à l’âge d’or de la Corée du Nord, une époque regardée avec beaucoup de nostalgie par les Nord-coréens, y compris par la jeunesse qui en a entendu parler par les parents et les grands-parents. Et tout ça est exalté ! Voilà pourquoi Kim Jong-un tient absolument à se mettre dans les pas de Kim Il-sung. »

Réformes économiques

La phrase est restée célèbre au sein de l’opinion publique nord-coréenne. Dans un discours du 15 avril 2012, soit quatre mois après la mort de son père, Kim Jong-un a promis que « le peuple n’aurait plus jamais à se serrer la ceinture ». Un discours suivi par l’apparition de nouveaux centres de consommation dans la capitale, dont des centres de loisirs, des pistes de ski, mais également par une plus grande ouverture en matière de revente de la partie de la récolte laissée aux paysans des fermes collectives. « Ces quatre dernières années Kim Jong-un a tenté de par sa gouvernance, de par son style, de par certaines réformes économiques d’améliorer le niveau de vie des Nords-Coréens, affirme Antoine Bondaz, chercheur à l’Asia Centre du Ceri-Sciences Po. Ce congrès est important, car il doit permettre de recentrer la place du parti dans le régime nord-coréen. Face aux difficultés économiques, l’armée a pris une très grande importance au sein de l’appareil politique au cours des années 90, et au début des années 2000. »

Ce congrès sera-t-il marqué par des annonces en matière économiques, par l’apparition d’une cohorte de jeunes responsables au sein du Parti ? Pour Antoine Bondaz, la réponse est oui en partie : « L’objectif de Kim Jong-un est de se concentrer non seulement sur le renforcement des capacités militaires dans la lignée de son père, mais aussi sur l’amélioration du niveau de vie et pour cela il va s’appuyer sur le parti qui va retrouver un rôle clé, insiste le rédacteur en chef de la revue Korea Analysis. « Si vous cherchez un aspect positif à l’événement, vous pouvez expliquer que ce congrès est une manière de revigorer l’appareil du Parti ; que c’est une manière pour la bureaucratie du Parti de reprendre du terrain sur les militaires estime de son côté Adam Catchcart. Le problème avec ce genre d’affirmation, c’est que dans les faits, l’armée reste prépondérante en Corée du Nord et le Parti contrôle l’armée. »

Kim Jong-un, numéro un nord-coréen. Photo rendue publique par le régime de Pyongyang le 23 avril 2016.
Kim Jong-un, numéro un nord-coréen. Photo rendue publique par le régime de Pyongyang le 23 avril 2016. KCNA / KCNA VIA KNS / AFP

Au final, les hauts responsables nord-coréens n’arrêtent pas de changer de casquette. Un jour l’uniforme, un autre la veste des membres du parti, à commencer par le premier secrétaire du parti des travailleurs de Corée. Le maréchal Kim Jong-un a ainsi été élu comme représentant de l’Armée populaire de Corée pour la grande messe du parti qui s’ouvre demain à Pyongyang. La sœur de Kim Jong-un a également le grade de général, et le chef du bureau des commissaires politiques de l’armée fait partie des hauts responsables du Parti. « Certains experts les plus optimistes croient que Kim Jong-un est favorable aux réformes économiques et qu’il va en faire sa priorité. En réalité, les dirigeants nord-coréens ont toujours fait ainsi, particulièrement au début des années 60 quand ils ont dit qu’il fallait renforcer l’armée avant de se consacrer à l’économie», poursuit Adam Catchcart.

Problème pour les pays voisins de la Corée du Nord, la doctrine du « Byongjin » a un air de déjà entendu. La Corée du Sud, le Japon, les Etats-Unis, la Russie et même la Chine affirment que c’est justement le programme nucléaire nord-coréen qui asphyxie l’économie nord-coréenne et qui vide les caisses de l’Etat. « Il est peu imaginable que le la Corée du Nord annonce des réformes sur le modèle de la Chine à la fin des années 70. Bien qu’il soit puissant, le régime de Pyongyang craint d’être déstabilisé par une politique d’ouverture trop rapide. » Un constat amer qui conduit presque à un optimisme de principe et à croire, malgré tout, que Kim Jong-un est un leader réformiste. Il n’y a pas d’autres alternatives. Dans une Corée du Nord prête à dégainer les missiles balistiques à tout moment, toute autre option mènerait à la catastrophe.

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