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Corée du Nord

La Corée du Nord, entre affirmations invérifiables et menace crédible

La Corée du Nord a déclaré avoir l’intention d’envoyer un satellite dans l’espace entre le 8 et 25 février. Cette annonce a été largement condamnée par la communauté internationale. La Chine a exprimé ses « graves inquiétudes », le Japon et la Corée du Sud prévoient même d’ouvrir le feu sur tout projectile qui menacerait leur territoire. Ces pays, ainsi que les Etats-Unis, craignent que cette annonce couvre un tir de missile, tandis que la Corée du Nord assure que son programme spatial a des visées purement scientifiques. Mais les affirmations du régime le plus fermé au monde sont souvent invérifiables. Petite rétrospective.

Le leader nord-coréen Kim Jong-un, ici devant son armée, serait sur le point de lancer un satellite dans l’espace dans le mois de février 2016.
Le leader nord-coréen Kim Jong-un, ici devant son armée, serait sur le point de lancer un satellite dans l’espace dans le mois de février 2016. REUTERS/KCNA/Files
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Depuis l'accession au pouvoir de Kim Jong-un, à la suite de la mort de son père, Kim Jong-il, fin décembre 2011, Pyongyang s’est lancé dans une surenchère pour développer un programme de missiles balistiques. La perspective de voir ce pays se doter de l’arme nucléaire effraie une grande partie de la communauté internationale. En premier lieu, la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis, que la propagande nord-coréenne présente comme ses « ennemis ».

Une fusée lancée… qui explose au bout de 90 secondes

Dès le début 2012, la Corée du Nord ravivait l’inquiétude de ces pays en annonçant qu’elle allait lancer, le 13 avril de la même année, Unha-3, une fusée porteuse d’un satellite. Fait rare, des médias occidentaux sont même autorisés à rentrer dans le pays pour filmer l’événement.

Mais la fusée avait finalement explosé 90 secondes après son lancement. C’était le troisième échec pour une fusée Unha. Pourtant, le régime nord-coréen affirme que les deux premières fusées Unha ont été placées en orbite, ce qui est contesté par les spécialistes américains et russes.

Lors de ce même mois d’avril 2012, le pays inscrit dans sa Constitution que la Corée du Nord est un « Etat nucléaire ».

Un satellite mis sur orbite, mais hors de contrôle

Un autre satellite est donc lancé le 12 décembre 2012. Ce lancement, recourant à la technologie des missiles balistiques, et la mise sur orbite du satellite, étaient une réussite. Une première pour la Corée du Nord. Pourtant, cette manœuvre violait les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, qui interdisent à Pyongyang tout essai nucléaire ou tir de missile balistique.

Selon les autorités nord-coréennes, ce satellite a permis de « collecter des données sur la météo et sur les ressources naturelles ». Mais selon Antoine Bondaz, coordinateur du programme Corée au sein d’Asia Centre, « ce satellite est toujours en orbite, mais c’est surtout un objet qui fait bip-bip et qui tourne autour de la Terre. Tout porte à penser que ce n’est pas un satellite aussi développé que ceux des Etats-Unis, par exemple ».

Un essai nucléaire pris très au sérieux

Un mois plus tard, après la condamnation par le Conseil de sécurité de ce lancement, la Corée du Nord annonce vouloir procéder à un nouvel essai nucléaire, après ceux de 2006 et 2009. Celui-ci a lieu le 12 février 2013. Il est très largement condamné par la communauté internationale et par le Conseil de sécurité.

Cet essai nucléaire déclenche la crise des missiles nord-coréens de 2013, qui marque une escalade de la rhétorique belliqueuse de Kim Jong-un. « Il faut prendre au sérieux ces essais nucléaires, avertit Marianne Péron-Doise, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire. Il n’y a pas beaucoup de pays qui sont capables d’en faire. »

Un missile balistique qui échoue, et une bombe H qui n’en serait pas une

Le 28 novembre 2015, le pays annonce qu’il a lancé un missile balistique depuis un sous-marin. Cela aurait été une première, mais celui-ci a finalement échoué. « La Corée du Nord n’a pas les capacités de faire ce lancement. Les photos que l’on a pu voir étaient trafiquées. Ce n’était tellement pas crédible que la communauté internationale ne l’a même pas condamné », explique Antoine Bondaz.

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un annonce ensuite, le 10 décembre, que son pays est « capable de faire exploser des bombes A et H ». Le 6 janvier 2016, la Corée du Nord annonce ainsi avoir effectué un essai nucléaire et fait exploser une bombe à hydrogène. Pourtant, de nombreux experts du nucléaire doutent de la véracité de cette explosion : « Je ne pense pas que c’était une bombe H car l’explosion aurait été bien plus forte », explique ainsi Choi Kang, vice-président de l’Institut pour les études politiques, ce que confirme Bruce Bennett, analyste à la Rand Corporation.

La menace serait « crédible »

Une telle bombe représenterait une avancée importante de la force de frappe nucléaire du pays et constituerait une menace crédible contre les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud. « On peut douter de la maîtrise de la bombe H par la Corée du Nord. Le pays joue d’ailleurs sur l’ambiguïté entre ses affirmations invérifiables et ses vraies capacités. Mais ses capacités sont réelles, c’est une menace crédible », selon Marianne Péron-Doise, également capitaine de frégate.

Jean-Louis Margolin, spécialiste de l’Asie et maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Provence Aix-Marseille I, relativise : « C’est certes un pays menaçant et imprévisible, mais les technologies dont il dispose datent des années 1950-1960, ce n’est pas la pointe de la technologie. La Corée progresse, mais lentement, car il leur reste, notamment, à miniaturiser les missiles. » La miniaturisation lui permettrait, en effet, de pouvoir de disposer de l’arme nucléaire, dissuasive partout dans le monde.

Lancement de satellite ou missile déguisé ?

Pour ce mois de février, la Corée du Nord a averti qu’elle allait lancer une fusée transportant un satellite dans l’espace. « La subtilité réside dans le fait que ces lancements de satellites sont perçus, par les Etats-Unis, comme des missiles balistiques déguisés. Car la technologie balistique qui est utilisée pour lancer une fusée a un double usage à la fois civil et militaire. Aujourd’hui, on sait que la Corée du Nord peut lancer un satellite en orbite avec cette technologie, mais elle n'est pas capable de le rediriger vers une cible terrestre, ce qui lui permettrait d’avoir cet usage militaire », explique Antoine Bondaz.

Les dates choisies pour le lancement du satellite, entre le 8 et le 25, laissent penser que le tir pourrait avoir lieu le 16 février. Ce sera le jour de l’anniversaire de l’ancien dirigeant du pays, Kim Jong-il, décédé, et père de l’actuel chef d’Etat Kim Jong-un.

Pour Antoine Bondaz, « la succession de ces annonces en janvier et en février sont importantes pour Kim Jong-un. Il en a besoin pour sa politique intérieure, avec le 7e congrès du Parti des travailleurs, qui aura lieu en mai prochain. Il aura comme objectif de renforcer encore sa propre autorité, mais aussi celle du Parti, aux dépens de l’armée ».

Marianne Péron-Doise, également auteur de l’article La prochaine guerre de Corée sera-t-elle nucléaire ? (in La guerre de Corée et ses enjeux stratégiques de 1950 à nos jours, éditions L’Harmattan, 2013), explique : « La Corée du Nord ne peut survivre que grâce à la crainte qu’elle inspire, tant à sa population qu’à la communauté internationale. Il lui faut donc sans cesse apporter la preuve de sa puissance et entretenir des tensions. Comme les sanctions internationales ne viennent pas à bout de la résilience du régime, la Corée du Nord est aujourd’hui dans une stratégie de survie et n’a rien à perdre. Si elle se sent menacée, elle n’hésitera pas à répliquer. »

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