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Laos

Luang Prabang, préservée et bouleversée par son inscription à l’Unesco

L’ancienne capitale royale de Luang Prabang, dans le nord du Laos, a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1995. Après 20 ans, le patrimoine architectural et naturel du site a été préservé, ce qui a provoqué un développement touristique important. Mais ce développement lui-même a entrainé d’autres changements non prévus, au niveau de l’habitat ou de la population. Ces changements constituent les nouveaux défis que l’Unesco, les autorités laotiennes et les habitants de Luang Prabang doivent relever.

Un temple bouddhique dans le style typique de Luang Prabang.
Un temple bouddhique dans le style typique de Luang Prabang. Guillaume Payen/RFI
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En décembre 1995, l’Unesco a compris que l’ancienne capitale royale de Luang Prabang, dans le nord du Laos, était une ville exceptionnelle, mariant un ensemble de maisons traditionnelles en bois, de bâtisses de l’époque coloniale et de temples bouddhiques au style unique à un cadre naturel privilégié sur la rive gauche du Mékong et qu’il était urgent de préserver l’ensemble du site sous peine que celui-ci ne suive le triste chemin déjà emprunté par d’autres villes de la région, comme Siem Reap ou Hanoi.

Vingt ans après, quel bilan peut-on retirer des multiples initiatives prise par l’Unesco en concertation avec les autorités laotiennes pour préserver ce joyau, pris entre le Mékong et le fleuve Nam Khan, qu’est la superbe ville laotienne ? L’opération, si l’on en croit la presque totalité des interlocuteurs sur place, a été globalement un succès : le charme de la cité et de l’écran de verdure qui l’entoure a été préservé. « On peut dire que, vingt ans après, sans la présence de l’Unesco, la ville ne serait probablement pas dans l’état où elle est. Il y aurait probablement des constructions disgracieuses, des hôtels de cinq ou six étages et peut-être beaucoup de démolitions de bâtiments anciens intéressants », estime Francis Engelmann, résident à Luang Prabang depuis 1991 et auteur de nombreux livres sur le Laos.

Ce succès dans la préservation a impulsé une vague touristique significative. En 1995, Luang Prabang, qui avait été quasiment coupée du monde entre la prise du pouvoir par les communistes en 1975 et le début des années 1990, recevait 50 000 touristes par an. En 2014, la ville en a reçu près de 400 000. Cette manne touristique a permis de ressusciter une ville presque moribonde à la fin des années 1980. Le tourisme est, en effet, pratiquement la seule activité économique viable dans la région.

Effets collatéraux sur la vie monastique

Mais le développement touristique accéléré lié à l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco a aussi exercé des effets pervers ou inattendus. Le plus visible concerne les perturbations subies par la vie des nombreux moines bouddhiques qui résident dans les temples aux longs toits courbes qui peuplent la ville. « Certains touristes ne sont pas respectueux. Par exemple, certains grimpent sur les statues de Bouddha dans les temples. Les Luang Prabanais sont aussi très attachés au rituel des offrandes aux bonzes le matin. Pour eux, c’est un rituel de purification. Mais des touristes veulent y participer et viennent offrir de la nourriture en étant maquillées de manière outrancière ou fortement parfumées », indique Boonkhong Khoutthao, directeur adjoint du département du patrimoine Mondial de Luang Prabang.

Des touristes prennent des moines bouddhiques en photo lors de la tournée matinale des offrandes dans le centre de Luang Prabang.
Des touristes prennent des moines bouddhiques en photo lors de la tournée matinale des offrandes dans le centre de Luang Prabang. Guillaume Payen/RFI

Et de fait, à 5h30 du matin, dans la rue principale de Luang Prabang, le « cirque des offrandes » a de quoi étonner. Des bonzes en file indienne viennent recueillir les donations des Laotiens, ainsi que des touristes, face à des groupes de touristes qui jouent des coudes et se bousculent pour prendre des photos. Des hôtels ont distribué des brochures aux touristes pour expliquer comment se comporter dans cette occasion, mais l’afflux touristique est tel que le chaos est difficile à éviter. Certains moines ont réagi en partant s’isoler dans d’anciens temples de la rive gauche du Mékong qui étaient abandonnés depuis l’arrivée des communistes au pouvoir en 1975.

Luang Prabang, le joyau prospère

Mais il faut se garder de peindre une image excessivement sombre, même au niveau de l’impact du boom touristique sur la vie monastique. « Il y a aujourd’hui environ 1 400 novices (apprentis-moines) dans les monastères de la ville, lesquels viennent de villages ruraux souvent très éloignés. Ils viennent à Luang Prabang pour faire leurs études secondaires. Autrefois, une fois les études terminées, ils rentraient dans leur famille et devenaient agriculteurs. Aujourd’hui, ces jeunes regardent par-dessus le mur du monastère et voient qu’il y a d’autres possibilités. Un certain nombre cherchent ainsi à s’employer comme réceptionniste d’hôtel ou serveurs dans des restaurants. Ces jeunes arrivent donc à s’élever socialement », explique Francis Engelmann. Les monastères sont devenus en quelque sorte un ascenseur social grâce au contexte économique porteur.

Les effets du tourisme sur la composition de la population sont aussi mélangés. Beaucoup d’autochtones ont quitté le centre-ville. « Les gens qui habitaient le centre historique préfèrent maintenant louer à des commerçants, afin que cela devienne un restaurant, une boutique ou un commerce, et aller habiter en périphérie. Le moindre mètre carré est exploité commercialement et les prix s’envolent. Au mètre carré, c’est plus cher que ce que l’on peut trouver dans les capitales occidentales », constate Frédéric Vinsonneau, propriétaire d’un restaurant dans la rue Sisavang Vong, du nom du dernier roi couronné de Luang Prabang.

Mais, du côté positif, la population est devenue plus multi-ethnique. Les minorités ethniques qui vivaient sur les versants ou dans les montagnes éloignées de la ville, notamment les Hmongs et les Khamu, trouvent à s’employer en ville, comme chauffeurs, guides ou en vendant des articles au marché de nuit de la ville. Et s’il est vrai que les produits artisanaux « authentiques » tendent à céder à la place à d’autres articles fabriqués à destination des touristes, comme les « pantoufles hmongs », ou les produits importés de Chine et du Vietnam, c’est, comme le dit Donna Lednicky du Centre des arts traditionnels et de l’ethnologie (TAEC) « parce que ces gens ont besoin de trouver un revenu pour soutenir leur famille ».

Note :
Initiative réalisée avec la contribution financière de l’Union européenne

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