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Indonésie / Papouasie

La Papouasie reste une zone d’ombre pour Jakarta

L’arrestation de deux journalistes français en août dernier, alors qu’ils réalisaient un reportage sur la rébellion séparatiste sans visa professionnel, montre que les autorités indonésiennes ne sont toujours pas prêtes à la transparence. Valentine Bourrat et Thomas Dandois ont été libérés ce 24 octobre, mais ils ont été reconnus coupables. La Papouasie occidentale est le terrain d’une guerre larvée depuis les années 1960. Retour sur une région placée sous silence.

Le nouveau président Joko Widodo a été intronisé le 20 octobre 2014.
Le nouveau président Joko Widodo a été intronisé le 20 octobre 2014. REUTERS/Darren Whiteside/Files
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Troisième plus grande île au monde après l'Australie et le Groenland, la Nouvelle-Guinée a été divisée dès la fin du XVIIIe siècle lors de la colonisation, entre un territoire britannique à l’est, devenu Etat indépendant en 1975, et un territoire néerlandais à l’ouest. Lorsque les Pays-Bas ont accordé son indépendance à l’Indonésie, ils ont gardé le contrôle de ce territoire. Et c’est après une période mouvementée, avec intervention de l'ONU, que ce dernier a été rattaché à l’Indonésie, en 1963.

Le mouvement de lutte pour l’indépendance a réellement commencé en 1969, après qu’un référendum organisé par la dictature de Suharto avait confirmé le rattachement de la Papouasie au pouvoir central indonésien. Ce pseudo-référendum auquel n’ont participé qu’un millier de personnes contrôlées par les autorités a mis le feu aux poudres. Depuis, le conflit aurait fait, selon les bilans disponibles, entre 150 000 et 400 000 morts, et quelque 100 000 déplacés. De multiples exactions ont été imputées aux forces militaires et aux Kopassus, les forces spéciales : massacres, viols systématiques, villages rasés.

L’Organisation pour une Papouasie libre

Ce mouvement très peu structuré ne compterait qu’un millier de combattants, qui agit en petits groupes à l’équipement très rudimentaire - fusils de la Seconde Guerre mondiale ou armes traditionnelles. Il mène une guérilla larvée, mais constante, dont les cibles sont les forces de l’ordre et les multinationales. Mais l’ampleur du mouvement de résistance dépasse la résistance armée, selon Stéphane Dovert.

« Il s’agit d’un rejet beaucoup plus large de l’Indonésie, explique le fondateur de l’Irasec (Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine), dû à la confrontation de deux peuples aux cultures diamétralement opposées, et qui n’ont rien en commun. » « De ce fait, poursuit-il, la totalité ou presque de la population peut-être considérée comme séparatiste. »

Les Papous, laissés-pour-compte de la richesse de leur territoire

Cette population est en réalité une véritable mosaïque religieuse, ethnique et linguistique : on compte 271 langues vivantes en Nouvelle-Guinée occidentale. Alors qu’ils représentaient en 1961 la quasi-totalité de la population du territoire, les Papous sont sur le point de devenir minoritaires face aux Javanais, majoritaires en Indonésie. C’est le fruit de la politique de transmigration promue par Jakarta depuis des décennies, notamment à l’aide d’incitations financières.

En dehors d’une petite élite papoue bien intégrée, qui compte notamment les élus locaux, la très large majorité de la population papoue n’a pas connu d’évolution de son niveau de vie. Leur exclusion en matière d’accès à l’éducation, à la santé, au marché de l’emploi, ou à la terre est reconnue, y compris par le président nouvellement élu, Joko Widodo.

Enfin, et c’est un enjeu majeur dans ce conflit, les richesses naturelles de la province sont concentrées dans les mains des Indonésiens et des grandes multinationales, au détriment des populations autochtones. Les mines d’or et de cuivre de la Nouvelle-Guinée occidentale comptent parmi les plus riches au monde. La province possède aussi du nickel, du cobalt, du bois, du pétrole et du gaz.

Les promesses de Jokowi

Le président qui vient de prendre ses fonctions a déclaré qu’il ferait de la Papouasie une priorité de son gouvernement. Il a promis la mise en place d’un programme d’éducation et de santé. Il entend également mettre de l’ordre dans l’administration locale, qui n’échappe pas à la corruption.

Joko Widodo espère ainsi « apaiser les tensions politiques ». Mais Stéphane Dovert estime que le président ne pourra agir qu'à la marge, et le chercheur ne voit pas d'issue rapide au conflit. En 2001 toutefois, la province a obtenu un statut d’autonomie spéciale. C’est sans doute sur cette voie que des progrès sont possibles.

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