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Sommet Asean

Sommet de l'Asean: sans Obama, Pékin a le champ libre

Le sommet de l’Asean s'est ouvert, ce mercredi 9 octobre, pour deux jours, à Brunei. Il s'agit du forum économique créé en 1967 qui rassemble dix pays du sud-est asiatique parmi lesquels le Vietnam, la Thaïlande, ou encore les Philippines. D'autres, qui n'en font pas partie, y viennent aussi traditionnellement, comme la Corée du Sud, le Japon ou encore les deux géants : la Chine et les Etats-Unis. Mais si le président Xi Jinping a bien fait le voyage, Barack Obama, lui, a été retenu à Washington, blocage budgétaire oblige.

La traditionnelle photo «de famille» à l'ouverture du sommet de l'Asean, le 9 octobre 2013, à Brunei.
La traditionnelle photo «de famille» à l'ouverture du sommet de l'Asean, le 9 octobre 2013, à Brunei. REUTERS/Ahim Rani
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L’absence de Barack Obama a été remarquée et déplorée avant même le début du sommet : le président américain devait commencer son périple vers Brunei par une mini-tournée en Malaisie et en Indonésie. Il devait aussi participer au sommet de l’Apec (le sommet de la coopération Asie-Pacifique) : c’est son secrétaire d’Etat John Kerry qui l’a remplacé.

Interrogations

La situation inquiète les alliés des Etats-Unis à l’Asean et dans la région. Depuis quelques années, Barack Obama opère en effet un mouvement de rééquilibrage des Etats-Unis vers le Pacifique et l’Asie du Sud-Est, délaissés par Georges W. Bush à l’époque des guerres en Irak et en Afghanistan.

En cette période de crise, Barack Obama veut aller où se trouve la croissance. Et ce mouvement s’accompagne d’engagements pris envers certains pays, engagements économiques et de partenariats militaires qui les renforcent face à l’ogre chinois.

Mais ces pays partenaires, aujourd’hui, s’interrogent : la première puissance mondiale, qui a dit à plusieurs reprises sa volonté d’être celle qui compte dans la région, peut-elle se permettre d’être absente de ce sommet de l’Asean pour un blocage domestique ?

Plus encore, estime Philippe Golub, professeur de relations internationales à l'université de Paris : ces pays en viennent à se demander si, à cause de ce blocage, les Etats-Unis pourront tenir leurs engagements économiques et stratégiques envers eux, surtout si ce blocage ne se révèle pas simplement conjoncturel mais plus profond. Les républicains américains, à l’origine du « shutdown », s’intéressent-ils autant au monde et à l’Asie du Sud-Est que les démocrates, et dans ce cas, quid des accords passés si les démocrates perdent le pouvoir ?

→ A (RE)LIRE : Christine Rifflart sur RFI: «Le blocage aux Etats-Unis touche la planète entière»

Le dossier des disputes en mer de Chine bloqué

Au-delà de cette inquiétude de fond, l'absence de Barack Obama pourrait avoir des conséquences sur le traitement des dossiers sur la table lors de cette réunion de l’Asean.

Le premier d'entre eux : les disputes territoriales qui depuis deux ans tendent les relations entre Pékin et les autres pays en mer de Chine du Sud. La nature ayant horreur du vide, Pékin pourrait profiter de la situation pour passer à l’offensive. « Peut-être que dans ce cadre-là, la Chine sera mieux placée pour essayer de pousser ses pions sur toutes les questions du code de conduite », explique Françoise Nicolas, directeur du Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

→ A (RE)LIRE : Pékin et la stratégie du harcèlement dans les mers de Chine

Le code de conduite, arrêté en 2002, est censé imposer des règles sur le comportement à suivre en mer de Chine du Sud. La Chine n’est pas favorable à ce qu’il soit contraignant, contrairement aux autres pays de l’Asean. « Les Etats-Unis seraient probablement plus prêts à chausser les bottes de l’Asean, l’absence du président Obama peut effectivement changer la donne et faciliter les choses pour les Chinois », souligne Françoise Nicolas.

Car si les Etats-Unis ont envoyé John Kerry, « une représentation au niveau du président, ça n’est pas tout à fait la même chose qu’une représentation au niveau de son secrétaire d’Etat : le charisme de Barack Obama n’est pas exactement du même niveau que la représentation de John Kerry. »

Une offensive de charme

Malgré ces tensions maritimes, depuis quelques jours, Pékin a déjà profité de l'absence de Barack Obama pour lancer une offensive de charme dans la région. Le président américain devait faire une mini-tournée en Asie du Sud-Est avant le sommet, en Malaisie et aux Philippines : c'est son homologue chinois Xi Jinping qui a occupé le terrain, passant d’ailleurs, lui aussi, par la Malaisie puis l’Indonésie en multipliant les promesses économiques.

Cette attitude n’est pas nouvelle : la Chine avait commencé à « soigner » ses voisins dès la crise économique asiatique de 1997-1998. Aujourd’hui, elle profite juste de l’absence de Barack Obama pour redoubler ostensiblement ses efforts. Objectif, explique Françoise Nicolas : « Convaincre ses partenaires régionaux que la Chine est un partenaire fiable, au même titre, voire éventuellement à un titre supérieur à celui des Etats-Unis. »

Des partenaires économiques pressants

Par « partenaires », il faut comprendre « partenaires économiques », aussi bien pour Pékin que pour Washington, d'autant que l'Asean est avant tout un forum économique (où les questions de sécurité ont pris place peu à peu).

Mais si l'Asean a, en ce moment, deux projets économiques à l’horizon 2015, l'un pour favoriser les investissements étrangers, l’autre le libre-échange, les Etats-Unis eux ont leur propre projet, le TPP (Trans Pacific Partnership).

→ A (RE)LIRE : Apec: le partenariat transatlantique sur les rails

Objectif : créer un marché de libre-échange entre les Amériques et l’Asie - sans la Chine. La présence de Barack Obama au sommet de l’Asean et surtout à celui de l’Apec (le sommet de la coopération Asie-Pacifique) aurait sans doute donné un coup d'accélérateur au TPP, mais pour Philippe Golub, il avance déjà tout seul, d’autant que le ministre du Commerce américain est à Brunei, et que les négociations techniques continuent.

Pour lui, le problème se situe ailleurs : « Certains pays de l’Asie du Sud-Est, comme l’Indonésie mais aussi la Malaisie, estiment aujourd’hui qu’ils devraient ralentir l’intensité de l’ouverture, ou en tout cas ne pas négocier avec les Etats-Unis selon le rythme voulu par Washington sur ce traité de libre-échange transpacifique. »

C’est là tout le numéro d'équilibriste mené par les pays de l’Asean et plus largement d’Asie du Sud-Est entre les Etats-Unis et la Chine, un numéro qui va continuer même si cette réunion de Brunei va être quelque peu déséquilibrée par l'absence de Barack Obama.

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