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Colombie

En Colombie, comment la France forme d'anciens FARC au métier d'écoguide

Durant une semaine, dans la région colombienne du Nariño, deux responsables d'un parc français des Landes sont venus former un groupe de 11 personnes au métier d'écoguide. Parmi eux, des victimes du conflit armé en Colombie et des anciens combattants FARC. Reportage.

Exercice d'observation des oiseaux dans le parc naturel national de l'île de Corota sur les rives du lac de la Cocha à Pasto en Colombie.
Exercice d'observation des oiseaux dans le parc naturel national de l'île de Corota sur les rives du lac de la Cocha à Pasto en Colombie. RFI / Najet Benrabaa
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De notre correspondante en Colombie,

Sept heures du matin à Pasto. Le parc naturel national de l’île de la Corota, sur les rives du lac de la Cocha, s'éveille. Un ciel brumeux et le chant des oiseaux accompagnent les onze participants de la formation. Aujourd'hui, Jérôme Fouert-Pouret, un écologue du parc naturel français des Landes, dirige la sortie avec son collègue animateur nature, Angel Martinez. Les élèves doivent les guider comme des touristes pour leur faire découvrir les oiseaux de la région.

Faire découvrir le Resguardo San Juan de Mayasquer

Avec sa casquette vissée sur la tête et muni d'une longue vue, Wilson Ferney Urbina, 37 ans, signale la présence d'un colibri et de deux pénélopes péoa. Ses compatriotes se précipitent alors sur les jumelles. Ce type d'exercice permet de mettre en pratique toutes les règles et les conseils expliqués durant la formation théorique. Des outils qu'ils devront mettre en pratique pour faire découvrir le Resguardo San Juan de Mayasquer dans le sud-ouest du pays, une zone tropicale, sauvage et difficile d'accès.

D'ailleurs, pour se rendre à cette formation, Wilson a voyagé neuf heures à pied et en bus. « Notre communauté vit à la frontière franco-équatorienne près du volcan Chiles. Notre frontière physique est la rivière. On doit la traverser, passer par l'Équateur pour ensuite, par un pont terrestre, revenir en Colombie ».

« Nous n'avons pas d'hôpital »

Cet isolement a favorisé l'installation du conflit armé. C'est également l'un des facteurs qui a poussé Wilson vers la mobilisation armée avec les FARC : « Nous étions abandonnés et nous sommes toujours abandonnés par le gouvernement. Nous ne recevons pas les financements pour construire les routes ou les écoles. Nous n'avons pas d'hôpital. Nous survivons grâce à ce qu'on peut trouver en Équateur. Alors, oui ! J'ai pris les armes. Je voulais changer les choses, aider ma famille et les paysans ».

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Le parc naturel national de l'île de la Corota sur les rives du lac de la Cocha à Pasto en Colombie.
Le parc naturel national de l'île de la Corota sur les rives du lac de la Cocha à Pasto en Colombie. RFI/Najet Benrabaa

Un nouveau départ pour l'ex-guérillero

Wilson a commencé le processus de réinsertion dans sa communauté il y a plusieurs mois pour sa fille, âgée de 18 ans et enceinte, qui étudie à Manizales, loin de là.  « Avec d'autres, réincorporés, nous avons monté une coopérative. Nous construisons une ferme où nous élevons des cochons et nous nous préparons à faire de la pisciculture. Nous sommes 130 anciens combattants de l'ETCR (Espaces territoriales pour la réincorporation et la formation, NDLR) La Variante de Tumaco ».

À cette coopérative, Wilson veut ajouter des visites touristiques pour améliorer la qualité de vie de sa communauté d'environ 210 familles. « Avec cette formation, nous espérons apprendre à faire découvrir nos trésors. Pour le moment, nous sommes coupés du monde. D'ailleurs, nous appelons notre territoire "le paradis caché". Je veux aussi faire des conférences dans les écoles et lycées pour orienter les jeunes ».

« Je n’oublierais jamais les victimes »

Sa compatriote, Jhicela Pozo Portilla, 20 ans, est membre de « la guardia nativa » (la garde indigène) et d'un collectif de femmes. « On nous enseigne des techniques pour organiser des voyages touristiques. J'apprends beaucoup. Je veux monter un projet touristique qui puisse bénéficier à toute la communauté. Car dans notre culture, il n'y a pas d'égoïsme. On travaille pour tous. »

Jhicela se projette vers l'avenir, mais sans oublier le passé. « Je me souviens qu'à partir de 18 heures, on ne pouvait pas jouer dans la rue. On nous disait :  "Attention, on va venir te kidnapper". Le "on", c'était les groupes armés. Une fois, alors que j'étais en route pour les vacances scolaires dans le bus Chiva, des hommes encagoulés nous ont attaqués et ont abattu deux personnes. J'avais 11 ans. Ça m'a traumatisé. C'était des amis. J'ai réussi à pardonner ceux qui ont juste collaboré avec les FARC, mais pour les autres qui ont tué gratuitement, c'est plus dur. Je n'oublierais jamais les victimes. »

À l’issue des 5 jours de formation, les participants ont reçu un diplôme, des jumelles, des appareils photo spéciaux pour débusquer les animaux sauvages la nuit et une longue vue pour observer les oiseaux. De quoi émouvoir le groupe. La prochaine étape sera un voyage en France, pour certains d'entre eux, au parc naturel des Landes de Gascogne.

60 000 euros de budget

Le projet colombo-français a nécessité 60 000 euros de budget : la moitié payée par la région Nouvelle-Aquitaine, le reste a été pris en charge par le Parc naturel des Landes, le ministère français de la Transition écologique solidaire, l'agence de coopération internationale Inerco et les instances colombiennes comme l'ARN, l'Agence de réinsertion nationale.

Diego Alejandro Bastidas, le coordinateur de l'agence du département de Nariño, explique que « la région travaille depuis deux ans et demi à la réinsertion des ex-guérilleros et au soutien des familles indigènes. Au total, 450 personnes font partie du processus dans le département de Nariño, 115 sont de la réserve indigène Mayasquer ».

Depuis 2012, la France a versé 2,6 millions d’euros de dons pour soutenir le processus de paix. La Colombie est le premier bénéficiaire de l’aide publique du développement français sur le continent américain.

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