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Cuba

Tourisme: à Cuba, La Havane se met sur son 31 pour ses 500 ans

La capitale cubaine et notamment le vieux centre colonial et le Malecón, le célèbre bord de mer, sont hérissés de chantiers et de palissades. Cuba, qui a besoin de devises, parie toujours plus sur le tourisme, en élargissant son offre. D'un tourisme de plage et soleil à un tourisme plus haut de gamme, tourisme d'affaires ou de luxe, vantant le patrimoine culturel de l'île, avec en toile de fond la célébration des 500 ans de La Havane à la fin de cette année et les gros travaux de rénovation de son patrimoine immobilier.

La Havane, avril 2019: de la terrasse de l'hôtel Gran Hotel Manzana Kempinski vue sur la terrasse d'un autre hôtel de grand standing, l'Iberostar Parque central, tous deux 5 étoiles.
La Havane, avril 2019: de la terrasse de l'hôtel Gran Hotel Manzana Kempinski vue sur la terrasse d'un autre hôtel de grand standing, l'Iberostar Parque central, tous deux 5 étoiles. ©RFI/Isabelle Le Gonidec
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De notre envoyée spéciale à La Havane,

Cuba, son soleil et ses plages, mais aussi son patrimoine et sa culture... Derrière les services professionnels fournis à l'étranger (notamment les médecins, ingénieurs et techniciens cubains expatriés), le tourisme est la deuxième source de devises pour l'île. Et c'est un secteur en pleine expansion sur lequel parie le gouvernement qui entend en faire la locomotive de l'économie (voir encadré plus bas) et se félicite de chaque record battu.

La capitale, ville kaléidoscope au charme désuet dont chaque quartier témoigne d'une tranche d'histoire particulière, se prépare activement pour la Foire internationale du tourisme (FIT) qui ouvrira ses portes le 6 mai prochain. Un secteur d'activité qui se développe avec des fonds cubains, mais aussi avec du capital étranger. Le pays invité de la FIT est d'ailleurs l'Espagne, l'un des tout premiers investisseurs avec les groupes Melia et Iberostar, présents sur toute l'île.

La Havane, avril 2019: l'impressionnant bâtiment du futur hôtel Prado y Malecon (218 chambres et 5 étoiles) construit par Gaviota et Accor.
La Havane, avril 2019: l'impressionnant bâtiment du futur hôtel Prado y Malecon (218 chambres et 5 étoiles) construit par Gaviota et Accor. ©RFI/Isabelle Le Gonidec

Les groupes français Bouygues et Accor sont également très actifs. Le second poursuit son implantation avec la construction de deux nouveaux hôtels haut de gamme : Prado y Malecón, dont la construction avance à grands pas (la voie express du Malecón, ce front de mer où amoureux, pêcheurs et flâneurs se retrouvent en fin de journée, a été partiellement fermée à la mi-avril en raison des travaux de l'hôtel) et le SO/Havana hotel, dans le quartier autrefois chic du Vedado.

Des investissements qui prennent des formes diverses : aménagement ou modernisation de structures existantes, cogestion d'hôtels, participation dans la construction de nouveaux établissements hôteliers... L'État cubain restant toujours l'actionnaire majoritaire. Le secteur privé des chambres d'hôtes est lui aussi en plein développement. À La Havane, quelque 17 000 propriétaires privés louaient des chambres ou leur maison fin décembre 2018, sous le contrôle du ministère du Tourisme, dont 10 000 habilités à louer des chambres à des touristes étrangers, nous explique Sonia Beltrán, responsable de la province de La Havane au sein du ministère.

D'un tourisme «plage et soleil» à un tourisme patrimonial

« Nous avons sept villes qui ont plus de 500 ans, rappelle Sonia Beltrán. Cette année La Havane souffle ses 500 bougies, mais Santiago ou encore Trinidad sont plus anciennes. Et le patrimoine c'est la carte maîtresse des pouvoirs publics. Mais un patrimoine vivant, insiste Sonia Beltrán, des lieux où vivent les gens. » Il ne faut pas muséifier ce patrimoine : un point sur lequel insistait également Michael Gonzalez, responsable du patrimoine à la Oficina del Historiador, agence qui travaille à la rénovation de la Vieille Havane.

La population est très sensible à cette question des rénovations de la Vieille Ville coloniale : rénover oui, mais en préservant l'habitat dont elle a un impérieux besoin pour se loger. « Construire des hôtels, soit, mais et nous ? », nous confiaient deux habitants d'un immeuble très dégradé du Malecón, en attente de relogement depuis dix ans. Ironie de l'histoire, ils habitent avec quelque 20 autres familles dans un ancien hôtel dont la façade fatiguée a dû avoir belle allure. De même, la rénovation du fameux cinéma Payret, face au Capitole, associée à la construction d'un hôtel de luxe, a provoqué moult débats.

Sur le Malecon, cet ancien hôtel à la façade autrefois couverte de céramique bleue et rose devait avoir belle allure. En avril 2019, il est occupé par une vingtaine de familles en attente de relogement.
Sur le Malecon, cet ancien hôtel à la façade autrefois couverte de céramique bleue et rose devait avoir belle allure. En avril 2019, il est occupé par une vingtaine de familles en attente de relogement. RFI/Isabelle Le Gonidec

Cet équilibre à respecter entre le maintien de la population dans les vieux quartiers et les rénovations nécessaires pour le tourisme, les pouvoirs publics disent la prendre en compte. C’est une tension aggravée par ailleurs par les destructions des intempéries comme le cyclone Irma, en septembre 2017 ou la tornade de la fin janvier 2019. Les constructions, fragiles et déjà mal en point faute d'entretien, souffrent beaucoup des coups de boutoir de la mer et du vent. Il a fallu reloger en urgence des familles littéralement à la rue et de nouveaux quartiers se construisent en périphérie pour les sinistrés.

Pour accueillir les touristes, Cuba dispose d'un bâti rénové ou en voie de l'être : hôtels de la « belle » époque du tourisme notamment états-unien des années 1920 jusqu'à la révolution de 1959 (dont quelques-uns édifiés avec les capitaux de la mafia), magnifiques maisons particulières transformées en petits hôtels ou chambres d'hôtes (comme le projet Portales del Paseo)... Parfois cependant les maisons sont trop détériorées pour être rénovées et il vaut mieux détruire comme c'est le cas sur le fameux Malecón où les « dents creuses » se succèdent ; les immeubles détruits sont transformés en placettes ou en cafeterias pour les touristes et les Cubains qui ont accès au fameux CUC, la monnaie convertible.

Le tourisme à plein régime : quelques chiffres

Cette année, Cuba espère dépasser le record de 4,7 millions de visiteurs étrangers de 2018 et atteindre le chiffre de 5,1 millions de visiteurs soit une progression de plus de 7%. Au premier trimestre 2019, l'île a déjà atteint son premier million de visiteurs. Le tourisme est un secteur d'activité qui emploie plus de 500 000 personnes et contribue à 10% du PIB avec un « fort potentiel de croissance, nous a expliqué Sonia Beltrán, responsable de la province de La Havane au ministère du Tourisme, et nous nous employons à le développer » avec de multiples projets : campings, marinas, croisières, construction d’hôtels… Et La Havane, point d'entrée de plus de la moitié des touristes à Cuba, est au cœur de cette dynamique. 

Sept hôtels de luxe en construction à La Havane

« Nous avons 70 hôtels à La Havane, poursuit Sonia Beltrán, dont 30% sont des 5 étoiles et 20% des 4 étoiles, mais il faut progresser vers des normes encore plus élevées, correspondant aux standards internationaux. » Il est vrai qu’un certain nombre d'hôtels sont d'un âge respectable et ont besoin d'un coup de plumeau pour être en phase avec les exigences d'une clientèle fortunée ou tout simplement actuelle (Internet, climatisation, confort).

Les couleurs très kitschs de la façade de l'hôtel Deauville près du Malecón, dont on dit qu'il avait été construit par la mafia.
Les couleurs très kitschs de la façade de l'hôtel Deauville près du Malecón, dont on dit qu'il avait été construit par la mafia. RFI/Isabelle Le Gonidec

Parmi ces établissements, le fameux Habana Libre où Fidel Castro eut ses appartements, le mythique hôtel New York qui va être reconstruit et d’autres. Mais les autorités parient sur le développement d’un tourisme haut de gamme à fort pouvoir d'achat, aussi les hôtels de luxe se multiplient. Ces constructions aux lignes hardies tranchent dans le paysage havanais comme l’hôtel Grand Packard du groupe Iberostar sur le Paseo del Prado (321 chambres et 5 étoiles). Il a été inauguré en grande pompe en octobre dernier par le président cubain Miguel Diaz Canel en personne. Preuve s'il en est de l'importance accordée à ce secteur.

La Havane: l'hôtel Grand Packard construit par le groupe espagnol Iberostar a été inauguré par le président cubain Miguel Diaz Canel en octobre dernier.
La Havane: l'hôtel Grand Packard construit par le groupe espagnol Iberostar a été inauguré par le président cubain Miguel Diaz Canel en octobre dernier. RFI/Isabelle Le Gonidec

Selon le ministère du Tourisme, sept hôtels de luxe sont en construction et 12 autres en rénovation pour la seule Havane, modeste capitale de 2 millions d'habitants... Autre appel du pied à cette nouvelle clientèle, le développement de terrains de golf, nous explique encore Sonia Beltrán, mais dans le respect du milieu naturel, insiste-t-elle, notamment en ce qui concerne les ressources en eau puisqu'il est prévu de développer des sites de désalinisation.

Les États-Uniens, les Canadiens, les Chinois et les autres

Pour qui tous ces beaux hôtels et ces terrains de golf à venir ? Le Canada reste le principal pays d'origine des visiteurs de l'île, suivi des pays de l’Union européenne. Du Canada, débarquent des Canadiens, mais aussi des Chinois puisque Air China fait escale au Canada dans sa route pour Cuba (50 000 visiteurs annuels)… Une offensive de charme est engagée auprès de la Chine, d'autant, nous rappelle-t-on, qu'il y a eu une immigration chinoise sur l'île : des Chinois venus travailler dans les champs de canne à sucre au XIXe siècle.

La Havane n'a-t-elle pas aussi son quartier chinois, entre la Vieille Ville et Centro Habana ? Et Cuba, qui a un hôtel à Shanghai - le seul hôtel cubain à l’extérieur de l’île -, œuvre pour établir des ponts avec la clientèle chinoise. Actuellement, il n'y a pas de vols directs entre la Chine et Cuba. « Il faut surmonter les barrières de la distance, de la communication, de la langue », insiste Sonia Beltrán. Les capitaux chinois eux semblent déjà avoir surmonté les obstacles puisque la Chine investit aussi désormais dans ce secteur (700 000 millions de dollars, selon le site spécialisé Reportur.

La Havane, avril 2019: chassé-croisé de bateaux de croisière au large des jardins de l'hôtel Nacional sur le Malecón.
La Havane, avril 2019: chassé-croisé de bateaux de croisière au large des jardins de l'hôtel Nacional sur le Malecón. ©RFI/Isabelle Le Gonidec

La détente dans les relations avec les États-Unis pendant la présidence Obama et le rétablissement des relations diplomatiques ont laissé espérer une levée des sanctions américaines et des restrictions imposées aux États-Uniens pour voyager à Cuba. La manne touristique américaine allait de nouveau pouvoir se déverser sur Cuba... Las, l'élection de Donald Trump (entré en fonction en janvier 2017) et les tensions régionales issues de la crise vénézuélienne ont compliqué la donne. En chiffres bruts, le tourisme en provenance des États-Unis ne faiblit pas, nous assure Sonia Beltrán, en raison de la hausse du trafic des bateaux de croisière qui font escale à La Havane. Un tourisme cependant moins lucratif pour les commerçants que celui qui débarque par avion. En 2018, le port de La Havane attendait 500 000 passagers, contre 328 000 en 2017, et les croisiéristes représentent désormais 15% du marché.

Les sanctions américaines visent le secteur touristique

Ces derniers mois, le dossier des sanctions américaines contre l’île est venu obscurcir de sombres nuages le ciel bleu du paradis touristique cubain vanté par les dépliants. Les États-Unis essaient d'asphyxier l'économie cubaine, déclarait encore le 25 avril dernier le chef de la diplomatie cubaine. Et le 2 mai, entre en vigueur un volet des sanctions américaines jusqu'alors jamais activé : au titre de l'article 3 de la loi Helms-Burton de 1996, l’administration américaine pourra engager des poursuites judiciaires contre les sociétés étrangères présentes à Cuba. Votée sous Clinton, cette loi n'était jamais entrée en vigueur, les présidents successifs ayant reporté son application.

Dans le collimateur de l'administration américaine, les entreprises contrôlées au moins partiellement par l'armée ou les services de sécurité cubains. L'armée, via le GAE, le Grupo de administracion empresarial, dirigé parLuis Alberto Rodríguez López-Callejas, général de brigade et ex-gendre de Raùl Castro, est investie dans le lucratif secteur touristique. Le GAE gère notamment le groupe Gaviota très présent dans le secteur hôtelier et des transports.

C'est un dossier que l'Union européenne, et particulièrement l'Espagne et la France, suit de près. Le chef de la diplomatie cubaine assure que les lois des États-Unis ne sont pas applicables à Cuba, mais l'activation de ce dispositif est un coup dur pour l'île dont la situation économique, avec la fragilisation de son allié vénézuélien et la perte de ses soutiens en Amérique latine (on pense aux récentes tensions aussi avec le Brésil qui ont privé de poulets les Cubains), reste précaire. Cuba a fait l’an passé du 20 novembre la Journée du tourisme, mais la poule aux œufs d’or s’avère bien fragile.

Lire aussi : Cuba: La Havane, 500 ans d'histoire et de patrimoine à protéger

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