Accéder au contenu principal
Cinéma / Colombie

Cinéma: «Les oiseaux de passage», oracles de la tragédie en Colombie

Après le très beau film L'étreinte du serpent salué par la critique et de nombreux prix, le couple Cristina Gallego et Ciro Guerra revient sur le devant de la scène avec leur dernier long métrage, Les oiseaux de passage. Un film très attendu, découvert au festival de San Sebastián, déjà maintes fois primé, qui raconte la transformation, en Colombie, d'une société traditionnelle à la faveur de la « bonanza marimbera », l'irruption de l'argent de la drogue à la fin des années 60, qui fait exploser les codes. Une tragédie épique qui puise à de nombreuses sources, du drame grec au film noir en passant par le western. Un film magistral qui sort ce mercredi 10 avril sur les écrans en France.

diaphana.fr
Publicité

Une étendue aride peuplée de buissons rabougris, de chèvres et d'Indiens dans l'extrême-nord de la Colombie. C'est la Guajira, un désert où les seules touches de couleur sont celles du criquet annonciateur de calamité, de l'oiseau de mauvais augure et les vêtements chatoyants des femmes, fouettés par le vent. Là vivent les Wayuu, le plus grand groupe ethnique de Colombie, aux traditions et à la langue encore vivaces. Le film est la plupart du temps tourné en wayuunaiki, une langue que les comédiens principaux ont dû apprendre, les rôles secondaires étant eux souvent interprétés par des locaux.

Une famille, un clan uni comme les doigts de la main

Dans ce désert vit une famille qui règne sur un clan. Le film s'ouvre sur la séquence de passage à l'âge adulte de la jeune fille de la famille, Zaïda. Pour ce groupe, c'est aussi métaphoriquement l'annonce du basculement, de l'ère de l'innocence à celle du trouble. Après une année d'enfermement, la jeune fille fait son entrée dans le monde, épreuve initiatique et magnifique danse de l'oiseau. Pendant ces douze mois, elle a appris à devenir une femme et seules sa mère et sa grand-mère ont été autorisées à pénétrer dans l'enclos où elle est recluse.

Zaïda est la charnière entre le monde des morts et celui des vivants, la porteuse des rêves que sa mère, la matriarche, interprète pour lire l'avenir de la famille. La propre fille de Zaïda, Indira, la « lumière » en wayuunaiki, portera l'espoir du renouveau. Les Wayuu sont une société matrilinéaire, où le nom de famille se transmet par la mère. Le nom, mais aussi la culture, la mémoire. Un film porté par la réalisatrice Cristina Gallego, qui voulait aussi raconter le pouvoir des femmes dans la société Wayuu.

Il y a cinq personnages, unis comme les cinq doigts de la main : la mère, le fils, la fille, l'oncle, le palabrero (le porte-parole), son neveu et futur gendre de la famille.

La «famille», qui rappelle un peu la mafia sicilienne : l'oncle «palabrero», le fils, la mère Ursula, le gendre Rafael et Zaïda, la fille.
La «famille», qui rappelle un peu la mafia sicilienne : l'oncle «palabrero», le fils, la mère Ursula, le gendre Rafael et Zaïda, la fille. diaphana.fr

Pour épouser sa belle et rassembler la dot demandée par sa belle-famille, le neveu se lance dans le trafic de marijuana. Ce sont les Peace Corps mis en place au début des années soixante dans le cadre de la politique de « sécurité nationale », qui sont dans le film à l'origine du trafic de drogue. « La demande suscite l'offre, c'est la règle du marché et vive le capitalisme compadre ! » Entre bains de mer, fumette et bières à gogo, les jeunes Américains des Peace Corps distribuent des cartes à jouer « contre le communisme ».

La Bonanza marimbera

C'est l'époque de la Bonanza marimbera dans ce département du nord de la Colombie : argent facile, corruption, violence, règlements de comptes et luttes de clan jusqu'à l'arrivée du cartel de Medellin qui prend la main sur le business : à travers l'histoire de cette famille, on lit l'histoire de la Colombie contemporaine.

Le film oscille entre film noir et conte tragique avec les mystérieuses apparitions du fantôme de la grand-mère et celles de cet oiseau qui hante les dalles de marbre blanc du palais kitschissime que Rafael a construit pour sa famille, et sa conscience tourmentée. La langue, la musique et notamment le cor qui ponctue les actes de ce drame tropical, le récitant qui ouvre la tragédie ou les incantations du palabrero, le porte-parole de la famille, participent de la tension narrative. « Nous faisons la même chose que ce que faisaient les conteurs des civilisations premières il y a 30 000 ans : nous servir d'ombres et de lumières pour raconter une histoire », disent les réalisateurs. Sous la lumière implacable du destin et du désert, le drame de Médée aux confins de la Guajira.

 ►à écouter: Cristina Gallego et Ciro Guerra étaient les invités de Maria-Carolina Piña (RFI en langue espagnole)

Dans le film "Oiseaux de passage," la garde rapprochée de la matriarche Ursula, interprétée magistralement par la comédienne Carmiña Martínez, essentiellement connue pour ses rôles au théâtre en Colombie.
Dans le film "Oiseaux de passage," la garde rapprochée de la matriarche Ursula, interprétée magistralement par la comédienne Carmiña Martínez, essentiellement connue pour ses rôles au théâtre en Colombie. http://diaphana.fr

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.