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Cinéma / Mexique

Cinéma:«Cómprame un revolver», Huck au pays des narcos

Sur l'affiche du film mexicain «Cómprame un revolver» (Achète-moi un revolver), quatre gamins, trois garçons et un autre masqué. Un film en forme de conte cruel, raconté à hauteur d'enfant ; l'histoire d'une petite fille née dans un pays où il ne fait pas bon naître fille mais où l'on peut s'en sortir si on a un papa qui a de la chance, ou neuf vies, comme les chats. Le film, sélectionné à la Quinzaine de Cannes et à Horizontes latinos de San Sebastián en 2018, sort ce mercredi 20 mars sur les écrans français.

Huck, le visage masqué, et les garçons perdus dans le film de Julio Hernández Cordón, Comprame un revolver (achète-moi un revolver)
Huck, le visage masqué, et les garçons perdus dans le film de Julio Hernández Cordón, Comprame un revolver (achète-moi un revolver) www.rezo-films.com
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Le préambule est glaçant : « au Mexique, tout, absolument tout est contrôlé par le narcotrafic. La population diminue, faute de femmes ». Nous sommes au milieu de nulle part, dans un univers aride, écrasé de soleil d'où même les lézards se sont fait la malle. Plus de hiboux, plus de voisins, plus de maîtresse d'école, se désole Huck. A la place, une caravane et un terrain de baseball aux gradins vides. Huck vit là avec son père et sa bande de copains des buissons, Tom, Rafa et Angel, un gamin au bras coupé par des méchants. Des garçons qui ont érigé en totem la « statue des mamans », une tête de poupée échevelée. Pour les mamans disparues.

Quand son père a de la

Le cinéaste Julio Hernández Cordón se définit comme "méso-américain", c'est à dire Mexicain et Guatemaltèque. Son précédent film sorti en France, Las marimbas del infierno, avait été tourné au Guatemala.
Le cinéaste Julio Hernández Cordón se définit comme "méso-américain", c'est à dire Mexicain et Guatemaltèque. Son précédent film sorti en France, Las marimbas del infierno, avait été tourné au Guatemala. www.rezo-films.com

visite, une bande de narcos joueurs de baseball, Huck est attaché à la cheville avec une grosse chaîne, parce que dans ce drôle de monde, on vole tout, même les pots de fleurs. On vole les enfants, qui sont enfermés dans des cages, et surtout les petites filles et les femmes. La mère de Huck et sa sœur on été volées.

Le père porte le prénom de Huck, tatoué sur le bras. Comme dans le roman Les aventures de Huckleberry Finn, dont le réalisateur Julio Hernández Cordón dit s'être inspiré, ici aussi le narrateur est Huck, comme le jeune héros de Mark Twain. Tandis que Huckleberry Finn se déguise en fille, la petite Huck (parce que Huck est une ravissante petite fille aux yeux graves interprétée par la propre fille du cinéaste), filmée à hauteur d'enfant, doit se déguiser en garçon et ramasser ses cheveux longs pour les cacher ; Huckleberry Finn fuit en radeau pour échapper à son père, Huck aussi partira sur un radeau, mais pour retrouver son père. Et si le père de Huckleberry Finn abuse de l'eau de vie, celui de Huck se défonce au crack. Hallucinante scène où sa trompette crache une fumée violette sur fond de musique de corridos, leschansons populaires mexicaines...

La petite Huck, souvent masquée et casquée, et son père dans le film Comprame un revolver: les scènes entre le père et la petite sont des moments de respiration et de tendresse dans ce film tendu.
La petite Huck, souvent masquée et casquée, et son père dans le film Comprame un revolver: les scènes entre le père et la petite sont des moments de respiration et de tendresse dans ce film tendu. www.rezo-films.com

Entre Star Wars, Peter Pan et Mad Max

Le père de Huck, interprété par Rogelio Sosa, compositeur dans la vraie vie, est un père aimant, qui ne pense qu'à protéger sa dernière fille. Physiquement il rappelle un peu les Wookies dans Star Wars. Il joue avec le sabre du Jedi, fait des batailles de pancakes avec les enfants. Tout à la fois tragique et pathétique, il négocie tout le temps leur survie à lui et à fille qui, avec les trois petits garçons, comme les enfants perdus de Peter Pan, sont les seuls êtres sensés de ce monde devenu fou. Face à eux, les narcos, des caricatures de Rambos qui jouent à la guerre, armés jusqu'aux dents, se déplacent dans les véhicules blindés, façon Mad Max. Des pantins grotesques affublés des robes qu'ils ont volées à leurs dernières victimes et de masques comme les lutteurs mexicains. Des personnages ambivalents comme leur capo, leur chef qui cache sa longue chevelure et son fin visage sous une cagoule et qui exhibe sur sa poitrine, accrochés avec des rubans roses, les trophées arrachés à ses proies.

Lorsque les narcos apparaissent, le récit devient « esperpento », oscillant entre cauchemar et grotesque comme cette fête d'anniversaire au milieu du désert. La mort est omniprésente. Mais la narratrice étant une enfant, les morts deviennent des silhouettes dessinées sur le sol par des enfants et le bras mort du copain, un trophée que l'on veut lui rendre. Des pirouettes qui allègent la tension de ce film sur le rasoir, magnifiquement réalisé. Un film qui, comme le roman de Mark Twain sur les Etats-Unis ségrégationnistes, dresse un terrible tableau du Mexique et fait écho à la violence générée par le narcotrafic et au drame de ces familles qui cherchent leurs disparus. Ils sont 45 000 selon le gouvernement mexicain, six fois plus selon certains ONG.

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