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Colombie

Les démobilisés des Farc et la présidentielle, l'enjeu des accords de paix

Les Colombiens élisent leur prochain président dimanche 17 juin, le premier depuis les accords de paix signés en 2016 avec la guérilla des Farc. Le candidat de droite Ivan Duque et celui de gauche Gustavo Petro s’opposent au second tour de la présidentielle. Ils affichent leurs désaccords sur plusieurs questions clés : modèle économique, mais aussi accords de paix, dont Ivan Duque dit vouloir modifier certains points. Pas question rétorquent les ex-guérilleros, qui demandent l’accélération de la mise en œuvre de ces accords sur le terrain. Du coup, certains démobilisés ont quitté les zones de réinsertion et d’autres se débrouillent pour mettre en place des projets productifs. Reportage à l’est de Cali, dans le Nord Cauca.

Des inscriptions «Sixième Front» (des Farc, qui opérait jusqu'aux accords de paix), ou ELN (Armée de Libération nationale), EPL (autres groupes armés) sont apparues sur les murs et les panneaux, créant de nouvelles tensions dans le Nord Cauca.
Des inscriptions «Sixième Front» (des Farc, qui opérait jusqu'aux accords de paix), ou ELN (Armée de Libération nationale), EPL (autres groupes armés) sont apparues sur les murs et les panneaux, créant de nouvelles tensions dans le Nord Cauca. Véronique Gaymard/RFI
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Sur le flanc de la montagne du Nord Cauca se détachent de petites parcelles de terres cultivées. Des ex-guérilleros des Farc tentent de lancer des projets de culture avec les paysans locaux. « Nous sommes une trentaine d’ex-guérilleros réinsérés à travailler ici, sur un espace de 5 hectares que les paysans nous ont loués et on travaille avec eux » explique Carlos, ex-guérillero, démobilisé il y a un an. Il faisait partie du Sixième front des Farc, qu’il avait intégré il y a 30 ans. Il connaît ces montagnes par cœur.

Accords de paix : « l’Etat ne respecte pas ses engagements » sur le terrain

Carlos a fait partie pendant 30 ans du Sixième Front des Farc, qui sévissait dans cette région du Nord Cauca. Aujourd'hui il montre fièrement l'unité de production d'engrais naturel qu'il a montée.
Carlos a fait partie pendant 30 ans du Sixième Front des Farc, qui sévissait dans cette région du Nord Cauca. Aujourd'hui il montre fièrement l'unité de production d'engrais naturel qu'il a montée. Véronique Gaymard/RFI

Depuis le désarmement, 240 ex-guérilleros se sont regroupés ici. Beaucoup sont partis, s’inquiète Carlos qui, avec une trentaine de démobilisés, a décidé de lancer des projets agricoles. « Ici on cultive du manioc, des bananes, du maïs, des haricots, on a aussi une petite structure de fabrication d’engrais naturel. Là, dans l’étang on fera de la pisciculture, on est en train d’aplanir un terrain pour y mettre un élevage de cochons, on a plein de projets ici, mais il faut que le gouvernement donne un coup d’accélérateur », insiste Carlos. « Ça fait un an qu’on a déposé les armes et on est dans l’incertitude, car les projets productifs qui ont été inscrits dans le calendrier à La Havane n’ont pas encore abouti. Ici, on travaille par nos propres moyens. Beaucoup ne croient plus dans le processus de paix, pas seulement chez nous ex-guérilleros, mais aussi dans les communautés ».

Les baraques préfabriquées prennent l'eau, et ne sont toujours pas achevées.
Les baraques préfabriquées prennent l'eau, et ne sont toujours pas achevées. Véronique Gaymard/RFI

Apparition de nouveaux groupes armés pour le contrôle de la drogue et des mines illégales

Depuis le cessez-le-feu, puis la signature des accords de paix, le calme est revenu, mais de nouveaux groupes se forment et les tensions reprennent s’inquiète Esneyder Cunda, de l’organisation indigène Nasa ACIN. « On a vécu plus de 50 années de violence à cause du conflit avec les Farc et quand on dit qu’on ne veut pas revivre cette histoire violente, on reçoit des menaces d’autres groupes. L’ELN, l’EPL ou des dissidents des Farc se réorganisent et reprennent ces territoires. Le gouvernement n’a pas respecté ses engagements envers les Farc, du coup certains reprennent les armes pour récupérer le contrôle du territoire. »

Sur des murs, ou des panneaux de signalisation, on voit de plus en plus d’inscriptions « Sixième Front », EPL, ELN, des groupes armés.

Un point de contrôle de l'armée dans la montagne. De nombreux groupes armés circulent pour le contrôle du trafic la drogue, des mines illégales ou des extorsions. Plusieurs dirigeants Indigènes et des ex-guérilleros ont été tués ces derniers mois.
Un point de contrôle de l'armée dans la montagne. De nombreux groupes armés circulent pour le contrôle du trafic la drogue, des mines illégales ou des extorsions. Plusieurs dirigeants Indigènes et des ex-guérilleros ont été tués ces derniers mois. Véronique Gaymard/RFI

On ne sait plus qui est qui et les jeunes en payent le prix fort, insiste José Miller Cordea, secrétaire à l’Education de la mairie de Toribio, une commune indigène Nasa. « Il n’y a plus cette guerre avec des tirs et des bombardements quotidiens, mais la violence continue sous d’autres formes. Le trafic de drogue est toujours le carburant pour ces groupes. Le recrutement des jeunes reprend, pour le trafic, le transport de la drogue, il y a beaucoup de jeunes en prison à cause de ça. »

Assassinats ciblés contre des dirigeants indigènes, mais aussi des démobilisés des Farc

Carlos, l’ex-guérillero du Sixième front des Farc, contemple les sacs pleins d’engrais qu’il a remplis de ses mains, avec espoir et amertume, car ceux qui ont laissé les armes sont eux aussi en danger. « Si ce n’est pas par l’ELN, c’est l’EPL, ou les dissidents des Farc, mais on est menacés, simplement parce qu’on poursuit le processus de paix et ces groupes considèrent que c’est de la trahison. Quatre des nôtres ont déjà été assassinés. Moi je ne reprendrai pas les armes, sauf si c’est pour me défendre, tout le monde le ferait ! Mais ça ne fait pas partie de mes rêves, je ne reprendrai pas les armes sous prétexte qu’il y a un nouveau gouvernement, ça non ! »

Ce dimanche, c’est une Colombie très divisée qui devra choisir son président, entre Gustavo Petro qui prône un programme de gauche et entend poursuivre la mise en œuvre des accords de paix et Ivan Duque, le favori, qui remet en cause certains points clés de ces accords.

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