Accéder au contenu principal
Canada

Québec: le combat continue pour la libération de Raif Badawi

Cinq ans après l’emprisonnement en Arabie Saoudite du blogueur Raif Badawi, le Québec se mobilise encore pour réclamer sa libération.

Affiche de soutien d'Amnesty International à Raif Badawi.
Affiche de soutien d'Amnesty International à Raif Badawi. Amnesty international France
Publicité

Depuis 150 vendredis, Ensaf Haidar se tient avec d’autres à 12h30, une pancarte à la main, devant l’hôtel de Ville de Sherbrooke, la cité qui l’a accueilli avec sa famille le 31 octobre 2013. 150 semaines à réclamer encore et toujours la libération de son époux, Raif Badawi, ce blogueur saoudien, condamné à 10 ans d’emprisonnement et à 1000 coups de fouet pour apostasie et insulte à l’islam. 150 rassemblements pour soutenir, à des milliers de kilomètres, un homme qui paye de sa liberté et de sa santé depuis cinq ans le simple fait d’avoir demandé à ses dirigeants un peu de liberté d’expression.

« Je n’ai pas le choix de continuer ce combat pour Raif, pour nos trois enfants de 14, 13 et 10 ans, confie son épouse. Je me sens soutenue par les gens au Québec, qui continuent à s’intéresser à mon mari. » C’est à Sherbrooke, qu’elle a lancé la Fondation Raif Badawi, un centre démocratique pour la liberté d’expression dans le monde arabe. Cette petite ville universitaire, située à 1h15 de Montréal, a littéralement adopté Ensaf Haidar et sa lutte. Une centaine de personnes l’entourait encore lors du dernier rassemblement pour inciter le Prince héritier saoudien, Mohammed ben Salman à concrétiser son discours de modernisation de l’Arabie saoudite, en libérant notamment les prisonniers d’opinion dans ce pays.

C’est l’un des souhaits d’une organisation comme Amnesty International, qui accompagne sans relâche la famille Badawi depuis ses premiers pas au Québec. Les militants de la première heure déchantent cependant face à la stratégie des petits pas adoptée dans ce dossier par le gouvernement canadien. Oui, le Premier ministre Justin Trudeau a bel et bien rencontré Ensaf Haidar en janvier dernier pour l’assurer de son appui. Depuis, cependant, rien ne bouge, comme le remarque Béatrice Vaugrante, la directrice de l’aile québécoise de l’organisme. « Le Canada doit hausser le ton, car la répression augmente actuellement en Arabie saoudite, souligne-t-elle. En plus, notre gouvernement a passé un contrat de vente pour 15 milliards de dollars de véhicules blindés. Pourtant, dans le même temps, il soutient ne pas vendre d’armes à ce pays qui viole les droits humains. »

« Nous nous heurtons au silence des autorités »

L’équipe de Daniel Turp, un professeur de droit de l’Université de Montréal et ancien député, dénonce devant la justice la légalité de cet accord commercial entre le Canada et l’Arabie Saoudite. Selon cet avocat, impliqué dans l’Opération Droits blindés, le cas Badawi montre bien que le Royaume viole les droits fondamentaux de ses concitoyens. Pourquoi,  dans ces conditions, lui vendre des véhicules blindés ultra-lingers qui pourraient servir à une répression interne ou à combattre au Yémen?

« Il est très difficile d’obtenir des informations du gouvernement canadien, à propos de cette entente commerciale de 15 milliards de dollars, signée par Stéphane Dion, l’ancien ministre des Affaires étrangères, remarque Daniel Turp. Nous nous heurtons au silence des autorités qui invoquent la sécurité nationale. » Une première instance judiciaire a rejeté en janvier dernier le recours déposé par l’équipe d’avocats et d’étudiants en droit de l’université de Montréal. Depuis, une demande d’appel a été déposée.

Le Canada marche sur des œufs dans cette affaire. Bien sûr, il souhaite développer ses liens commerciaux avec un riche client comme l’Arabie saoudite. Surtout que les fameux blindés viennent d’une région canadienne économiquement sinistrée : l’Ontario. D’un autre côté, depuis juin dernier, la nouvelle politique internationale canadienne accorde une place de choix au respect des droits humains. Or, le cas Badawi illustre par l’absurde l’impossibilité pour les Saoudiens de s’exprimer en toute légalité. « Ce citoyen non-violent, respectueux des lois, raisonnable, se retrouve en prison pour avoir voulu exercer ses droits, dénonce Pascal Paradis, directeur d’Avocats sans frontières au Québec. À une époque où l’on recherche des figures emblématiques, cet homme a une véritable stature de héros. »

Voilà pourquoi, sans être Canadien, le détenteur du prestigieux prix Sakharov 2015 du Parlement européen pour la liberté de l’esprit interpelle tant les habitants de ce pays. Le gouvernement du Québec lui a délivré un certificat de pré-sélection, première étape avant de pouvoir résider sur le territoire. De son côté, l’université de Sherbrooke en a fait un de ses docteurs honoris causa. Et son cas a permis au jeune avocat québécois Mathieu Jacques de rafler en octobre le premier prix francophone au Concours international de plaidoirie pour les droits de l’Homme. Il avait lieu à l’université Al Quds, à Jérusalem-Est. Bref, tout ramène Raif au Québec. En attendant qu’il soit enfin là, en chair et en os, pour sa femme, ses trois enfants et leurs proches.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.