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Etats-Unis / Catastrophes naturelles

[Reportage] Harvey: le quartier de Memorial à Houston reste sous les eaux

Plus d’une semaine après le passage de la tempête Harvey sur Houston, la ville reprend peu à peu son allure normale. L’aéroport a rouvert, les enfants retournent à l’école ce mardi. Partout les habitants commencent à nettoyer les dégâts causés par les inondations dans leurs maisons. Les trottoirs sont jonchés de meubles moisis et de débris humides. Mais le quartier de Memorial à l’ouest de la ville reste complètement sous les eaux. Reportage.

Circulation fluide sur Memorial Road à Houston, le 2 septembre 2017.
Circulation fluide sur Memorial Road à Houston, le 2 septembre 2017. © Anne Corpet / RFI
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Avec notre envoyée spéciale à Houston,

Il y a un embouteillage d’embarcations de toutes sortes à l’entrée de Memorial Drive, complètement sous les flots. Ket Buttler met sa barque à l’eau. « Je vais chercher mes affaires et les monter à l’étage. Sauver ce qui peut l’être : mes outils, mes habits, ce genre de choses. » Le quartier de Memorial va rester inondé encore au moins deux semaines, du fait des lâchers d’eau de deux barrages situés en amont. Il n’y a pas d’alternative : les ouvrages menacent de céder sous la pression. Alors les riverains s’organisent, font des allers et retours pour récupérer l’essentiel, et vérifier l'état de leurs domiciles.

Peng Zan a un bateau pneumatique, mais pas de pagaies, il utilise des balais brosse en guise de rames. Il porte des gants en latex et un pantalon de plongée « ces eaux sont infestées de bactéries, il faut se protéger », explique-t-il.

Peng Zan et un ami sur leur bateau pneumatique à Houston.
Peng Zan et un ami sur leur bateau pneumatique à Houston. © Anne Corpet / RFI

Un peu plus loin, Michael Han embarque quatre personnes à bord de son bateau à moteur, et leur donne son numéro de téléphone portable « Je vous dépose devant chez vous et vous m’appelez quand vous voulez que je vienne vous chercher. » Une dame tente de lui glisser un billet de dix dollars. « Pour les frais d’essence », insiste-t-elle. Mais Michael refuse catégoriquement. « Je suis là pour vous aider, pas pour gagner de l’argent », réplique-t-il agacé.

Absence de prévention

Louis Provenzano a pris place à l’arrière du bateau : il va chez lui nourrir son chat et tenter de le récupérer. L’air sombre, il désigne un centre commercial flambant neuf, au sec, construit sur une haute dalle de béton. « Vous voyez comme cette construction est plus élevée que les autres. Ils ont des stocks au sous-sol et pour les épargner, ils pompent l’eau et la rejettent dans notre rue déjà inondée. Tous les riverains souffrent à cause de ce genre de passe-droits. La ville accorde des permis de construire sans s’assurer que les bâtiments disposent du drainage adéquat. Ils construisent en hauteur et déversent leurs eaux sur le voisinage »

A ses côtés Cynthia Neely acquiesce. Elle milite au sein de « Residents against flooding », une association de riverains contre les inondations. « Notre quartier n’a pas été inondé par l’ouragan lorsqu’il a frappé, mais par les lâchers d’eau des barrages. Et notre ville n’a pas prévu ce qu’il adviendrait ensuite de ces dizaines de milliers de litres évacués. Car inévitablement, il y a des lâchers d’eau quand il y a de grosses tempêtes. Ils étaient censés construire deux bassins de rétention dans le quartier il y a treize ans. Ils n’ont pas été construits. Cette rue transformée en rivière, c’est le résultat direct de la faillite de la ville », tempête-t-elle.

Cette année, les autorités locales ont consacré l’essentiel de leur budget annuel à élargir les rues, rénover les feux rouges, les bibliothèques et les voitures de la police municipale. « Il n’y avait pas un sou de prévu pour une politique de prévention des inondations. Pourtant tous les experts sont unanimes. Houston est particulièrement exposée aux tempêtes, et des mesures existent qui peuvent limiter les dégâts en cas de fortes pluies. »

Houston est la quatrième ville des Etats-Unis en termes de population. Les prairies qui absorbaient autrefois le surplus de pluies sont bétonnées depuis longtemps, ce qui a considérablement augmenté les risques d’inondation. « A chaque fois que les habitations se retrouvent sous les eaux, les autorités locales blâment notre mère Nature. Ils disent que c’est la tempête du siècle et qu’ils n’y peuvent rien », se désole Cynthia Neely, « mais si ils avaient construit ces deux bassins de rétention, j’aurais eu trente centimètres d’eau dans ma maison au lieu d’un mètre cinquante ! » Une alarme retentit soudain : celle d’une voiture abandonnée dans l’eau.

Un kayak amarré au balcon

Dans Legend Lane, une rue transversale qui borde la rivière, l’eau monte jusqu’à près de quatre mètres. Les maisons qui s’y noient sont luxueuses, immenses. Karl Webb habite l’une d’entre elles et s’y rend en kayak, dans un silence seulement troublé par les criquets. Karl porte un pistolet neuf millimètres à la ceinture. « La seule chose dangereuse ici, à part l’eau et les serpents qui peuvent être très venimeux, ce sont les pillards. Je suis le dernier à avoir évacué, et je suis le seul qui passe encore la nuit ici. Parce que si on veut protéger nos maisons inondées, on doit le faire nous-même. La police n’a pas de bateaux pour patrouiller par ici. » Au Texas, la loi autorise les habitants, sous réserve d’un permis de port d’arme, à tirer sur quiconque s’aventure sans autorisation sur sa propriété.

Karl manœuvre son kayak entre les branches, le haut de panneaux de signalisation, et le toit de voitures englouties, avant d’arriver devant une belle demeure moderne à moitié engloutie. Il amarre son embarcation à la terrasse. « Nous débarquons directement au deuxième étage. Pour emprunter la porte d’entrée, il faudrait un équipement de plongée » rigole-t-il. A l’intérieur, les meubles ont été recouverts de plastiques, les placards vidés de leur contenu. L’escalier qui descend vers l’étage du dessous plonge dans une eau beige à l’odeur fétide. « Que voulez-vous, c’est la vie » soupire Karl avant d’ajouter « il faut attendre que les eaux se retirent pour évaluer l’étendue des dégâts. Mais quoi qu’il en soit, je vais tout reconstruire, et tous mes voisins le feront aussi, je vous le garantis. »

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