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Paraguay

[Tendances] Paraguay: le Mercado n°4, un octogénaire à la mode

Malgré l’apparition des grands centres commerciaux à l’américaine, les marchés «traditionnels» restent l’endroit où les Paraguayens de toute classe sociale continuent à faire la grande majorité de leurs achats. En plein centre de la capitale Asunción, le Mercado n°4 est le plus fréquenté d’entre eux.

Après avoir pris la suite de ses parents, le fleuriste Feliciano Almeida travaille aujourd’hui avec ses enfants et ses petits-enfants dans le commerce familial.
Après avoir pris la suite de ses parents, le fleuriste Feliciano Almeida travaille aujourd’hui avec ses enfants et ses petits-enfants dans le commerce familial. RFI/Tony Robin
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De notre correspondant Asunción,

A une trentaine de kilomètres de Buenos Aires, la capitale argentine, trois policiers font arrêter le bus en provenance d’Asunción. Ils demandent leurs cartes d’identité aux passagers puis s’intéressent aux bagages. Une vieille Paraguayenne s’inquiète : elle est montée avec d’énormes sacs remplis de marchandises de contrebande achetées au Mercado n°4, vaste centre commercial informel dans la capitale du Paraguay, afin de les revendre plus cher en Argentine. Mais le plus jeune des policiers argentins la rassure vite : « C’est un simple contrôle de routine, madame. Moi-même, il faut que j’aille jusqu’au Mercado n°4 pour acheter des habits pour mon gamin. Ici avec notre salaire et les prix, c’est impossible ». Une scène qui se déroule à plus de 1 300 kilomètres de la capitale paraguayenne.

Presque octogénaire, le Mercado n°4 n’a cessé de grandir et de se diversifier. Dans ce gigantesque labyrinthe de commerces légaux et d’échoppes informelles, on trouve presque tout, vêtements, fruits et légumes, appareils électroniques et même des animaux tropicaux, tels que des caïmans, des perroquets ou des crocodiles selon les arrivages… Et à presque 80 ans, le Mercado n°4 continue à attirer des acheteurs de tout le Paraguay mais aussi des pays voisins - Bolivie, Argentine et Brésil - grâce à ses prix défiant toute concurrence.

Dans un pays où les deux tiers de la population active n’a pas d’emploi formel, il reste l’unique source de revenus pour des dizaines de milliers de familles. On y comptabilise aujourd’hui 5 000 magasins officiels, au moins 2 000 échoppes informelles et au moins autant de vendeurs ambulants. Quinze mille acheteurs s’y rendent en moyenne chaque jour, et même 25 000 la semaine de Noël, pour des transactions quotidiennes qui s’élèveraient à plus de 3 millions de dollars. Dans un premier temps destiné surtout aux classes populaires, le Mercado n°4 a su se renouveler pour s’adresser dorénavant à toutes les classes sociales.

Un spectre si large que Jorge Edgar Jurado Aguirre annonce que son magasin de vêtements de prêt-à-porter attire une clientèle qui va « du député, qui demande à son chauffeur de garer sa berline juste à un mètre de notre stand, au laveur de vitres du feu rouge qui paye ses achats avec un énorme sac de pièces de monnaie ».

Arrivé au Paraguay il y a 20 ans, le Bolivien Jorge Edgar Jurado Aguirre a su faire prospérer son commerce jusqu’à pouvoir financer les études universitaires à ses enfants.
Arrivé au Paraguay il y a 20 ans, le Bolivien Jorge Edgar Jurado Aguirre a su faire prospérer son commerce jusqu’à pouvoir financer les études universitaires à ses enfants. RFI/Tony Robin

Bolivien de 48 ans, Jorge Edgar Jurado Aguirre est arrivé à Asunción il y a vingt ans. Après avoir perdu la petite échoppe qu’il tenait sur un trottoir de La Paz à cause d’un glissement de terrain, il apprend par le bouche à oreille que des compatriotes ont migré au Paraguay voisin pour essayer de donner une vie meilleure à leur famille. Leur eldorado : le Mercado n°4. Il décide de tenter sa chance, en important des pulls en laine depuis sa Bolivie natale. « Cette matière pour s’habiller, les Paraguayens ne connaissaient pas », jubile-t-il, encore vingt ans après, fier de son coup de maître. Grâce à son commerce, ses enfants ont même pu entrer à l’université. Une réussite exceptionnelle, quand au Paraguay seulement 3% de la population à accès aux études supérieures. Galvanisés par la réussite des pionniers, « de plus en plus de Boliviens tentent leur chance en ouvrant leur stand au Mercado n°4 », avance Jorge Edgar Jurado Aguirre.

En cette belle journée d’hiver, trois frères et sœurs âgés de 25 à 35 ans sont venus de Clorinda, la première ville importante d’Argentine après la frontière : « Au Mercado n°4, nous aimons surtout l’ambiance, les couleurs, les sons. Souvent, on vient même y passer la journée sans rien acheter, confie Ana, l’aînée. » Et quand ils y achètent beaucoup ? « Il y a des quotas évidemment, mais les douaniers ferment les yeux la plupart du temps. Pourquoi ils nous empêcheraient de passer la frontière tranquillement si c’est un secret de polichinelle qu’eux aussi vont acheter au Mercado n°4 ? ».

Sur les avenues Petirossi et Rodriguez de Francia, les deux principales artères qui abritent le Mercado n°4, c’est le chaos total, car six jours par semaine, de 5 heures du matin jusqu’à 21 heures, acheteurs, pousseurs de chariots et vendeurs ambulants slaloment entre les camions de livraison et des bus d’un autre âge. « Certes c’est confus, atténue Feliciano Almeida, mais ce lieu dégage une incroyable énergie ! » Fleuriste et ancien président de l’association des commerçants du Mercado n°4, il a pris la suite de ses parents et travaille aujourd’hui avec enfants et petits-enfants. « Ce marché, c’est 45 ans de ma vie. Ici, ce n’est pas seulement vente et achat comme dans un supermarché. C’est une toute autre forme d’échange, on se connaît entre acheteurs et vendeurs de génération en génération », raconte-t-il.

Le Mercado n°4 est un monde à part dans la capitale Asunción, avec ses propres codes. Mais son caractère à la fois chaotique et chaleureux en fait un symbole et un condensé de tout ce qu’est le Paraguay.

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