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Etats-Unis

Donald Trump et l'immigration: un petit air malsain dans les champs californiens

Les consignes anti-immigration de l’administration Trump sèment la discorde dans la Central Valley de Californie. Le comté de Tulare, malgré cinq années de sécheresse, reste le jardin potager de l’Amérique. C’est aussi le premier producteur laitier des Etats-Unis. Dans les terres, à mi-chemin entre San Francisco et Los Angeles, les habitants de Tulare, contrairement au reste de l’Etat, ont voté pour Donald Trump. Mais sa chasse aux immigrés clandestins et son mur avec le Mexique font peser une menace sur l’économie.

Porterville, comté de Tulare, Californie.
Porterville, comté de Tulare, Californie. RFI/Nicolas Champeaux
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De notre envoyé spécial en Californie,

Les montagnes de la Sierra Nevada sont enneigées et des pluies abondantes viennent de s’abattre sur les champs de melons de Joël Del Bosque à Firebaugh, le long de l’autoroute « Interstate five », qui file de la frontière mexicaine jusqu’au Canada. Une bouffée d’oxygène pour ce fils d’immigrés mexicains, mais il n’aura peut-être pas assez de bras pour la récolte.

« Nos melons et nos asperges sont ramassés à la main. Moi, j’ai besoin de 300 personnes pour la récolte, et c’est un travail difficile : il fait chaud, il faut se pencher, ça fait mal au dos. Donc souvent les Américains ne veulent pas de ces boulots », explique ce père de six enfants. « On emploie donc des gens qui viennent du Mexique, ils doivent être en règle et fournir des documents. Mais vous savez, quand vos fruits sont murs et qu’ils risquent de pourrir, il faut embaucher à tout prix ! »

« C’est un peu comme si moi je venais chez vous »

Joel Del Bosque n’est pas allé voter le 7 novembre, mais dans le comté de Tulare, la plupart des fermiers ont voté Trump. Il a promis de les délester des contraintes liées à la protection de l’environnement, mais en Californie, 75 % des ouvriers agricoles sont des immigrés. « Nos critiques, maintenant, nous disent : " Alors vous voyez, il ne fallait pas voter Trump, il a annoncé clairement ses intentions, et maintenant vous en faites les frais ! " Mais Trump va devoir faire un choix difficile, parce qu’il a d’un côté des agriculteurs qui essaient de nourrir le pays, et de l’autre côté ses électeurs qui ne veulent pas d’immigrés ! »

A deux heures de route plus au sud, le Cotton Star Café est prisé des habitants de la bourgade de Porterville, qui se lèvent tôt pour travailler. John a une entreprise de location de tracteurs, il dévore un steak et des œufs au plat pour son petit-déjeuner et parle sans précaution oratoire des immigrés. « Les clandestins qui viennent dans le pays et que l’on assiste, c’est un peu comme si moi je venais chez vous, je m’installais à votre table, je dormais dans votre lit, et je prenais une douche dans votre salle de bains, et tout ça, gratuit ! Non, on ne peut pas se le permettre, et Trump il va nous régler tout ça. »

« La plupart des enfants des immigrés sont nés ici »

La ferme de Tom Barcellos, un important éleveur laitier, se trouve à quelques kilomètres. Ses arrière-grands-parents étaient portugais. Ses employés mexicains ne parlent pas un mot d’anglais. Tom Barcellos estime que la dernière génération d’immigrés ne fait pas assez d’efforts pour s’intégrer. Il s’incline néanmoins devant leur ardeur au travail :

« J’espère que l’on va corriger nos politiques pour que les immigrés puissent venir travailler. Nous avons eu une conversation avec Donald Trump quand il est venu ici en campagne, et il nous a assuré que le mur avec le Mexique aurait une porte ! La plupart des enfants des immigrés sont nés ici. Leurs parents travaillent dur, de façon illégale peut-être, mais s’ils ont travaillé, ça veut dire qu’ils ont participé à la vie et à la réussite du pays, et donc il faut qu’ils aient un statut légal de travailleur. »

« Ils ont peur dans leurs déplacements quotidiens »

José Manuel Martinez, 22 ans, bénéficie du programme de Barack Obama, le Deferred Action for Childhood Arrivals, ou DACA, qui le protège à court terme d’une expulsion. En revanche, ses parents sans papiers, qui travaillent dans les champs depuis leur arrivée du Mexique il y a dix ans, sont plus que jamais vulnérables.

« Ils ont peur, confie le jeune homme ; sur le chemin du travail, quand ils font leurs courses ou déposent ma sœur à l’école, ils ont peur dans leurs déplacements quotidiens. Surtout maintenant, avec tout ce qui a été dit. Ils savent qu’ils sont visés et qu’ils peuvent être expulsés. Et moi et ma sœur, nous serions séparés de nos parents. »

« Il est temps que vous fermiez votre gueule »

Inutile de chercher une quelconque empathie du côté des radios conservatrices locales. Sur Fox Radio News, les animateurs affichent avec une rare férocité leur mépris pour les habitants locaux qui s’opposent à une collaboration des forces de police avec les services d’immigration.

« Et si l’un de ces immigrés traversait la frontière avec une valise de bombes nucléaires ? Et si c’était le prochain auteur d’une tuerie à San Francisco ? Et s’il décidait de foncer avec son camion dans la foule devant la Santa Monica Promenade comme ce fou a fait à Nice en France ? Il est temps que vous fermiez votre gueule ! », s’emporte l’animateur au ton haineux.

A Tulare, les incertitudes pointent. L’hystérie s’installe. Même les soutiens de Donald Trump le reconnaissent : le climat devient malsain dans ce comté du Golden State.

→ À relire : Le « Calexit », l'improbable sécession de la Californie

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