Accéder au contenu principal
Pérou / Alberto Fujimori

Pérou: les obstacles à la sortie de prison de l’ex-président Alberto Fujimori

L’ex-président péruvien Alberto Fujimori purge une peine de prison de 25 ans pour corruption et crime contre l’humanité. A quelques jours de l’investiture du nouveau président Pedro Pablo Kuczynski jeudi 28 juillet, il a présenté une demande de grâce, soutenue par une partie de la population.

La liberté de l'ex-président Alberto Fujimora divise les Péruviens. Des centaines se sont retrouvés à Lima pour soutenir sa demande de grâce.
La liberté de l'ex-président Alberto Fujimora divise les Péruviens. Des centaines se sont retrouvés à Lima pour soutenir sa demande de grâce. CRIS BOURONCLE/AFP
Publicité

Il était au pouvoir entre 1990 et 2000 au Pérou. Il a été condamné à 25 ans de prison pour corruption et crime contre l’humanité, et il divise encore le pays. Alors que sa fille Keiko Fujimori a perdu de justesse à la dernière élection présidentielle du mois de juin, Alberto Fujimori, 77 ans, vient de présenter sa demande de grâce pour la seconde fois. La première date de 2013, rapidement rejetée par le président sortant, Ollanta Humala.

Reconfiguration politique au Pérou

Cette fois-ci, le nouveau président Pedro Pablo Kuczynski (PPK), qui va être investi le 28 juillet, ne s’est pas clairement opposé à la demande de grâce de l’ex-président. Alberto Fujimori a donc bien choisi son moment, alors que le pays est en pleine reconfiguration politique. PPK vient de gagner l'élection présidentielle de juin de justesse face à Keiko Fujimori, « dont le courant issu de son père a obtenu la majorité des sièges au Parlement », rappelle Gaspard Estrada, spécialiste de l’Amérique latine et fondateur de l'Observatoire politique de l'Amérique latine et des Caraïbes. L’heure est alors pour lui au rassemblement, afin d’allier une majorité, faire voter son budget et mener à bien ses projets.

Sans claquer la porte au nez des fujimoristes, PPK a préféré ne pas se mêler de trop près de cette demande de grâce. Il a alors « donné la balle aux parlementaires pour réformer la loi et pouvoir gracier Alberto Fujimori », explique Gaspard Estrada. « L’ex-président ne réunit pas encore tous les critères nécessaires pour être gracié selon la législation actuelle », précise-t-il.

« Cela aurait été un très mauvais signal de début de mandat s’il avait soutenu la demande de grâce de Fujimori alors qu’il est à peine élu », commente Gaspard Estrada. Surtout que PPK s’est allié au deuxième tour avec Verónika Mendoza, leader de la gauche péruvienne. Cette dernière est formellement indignée de cette demande de grâce : « Ce n’est pas possible de gracier un condamné pour séquestrations et crimes contre l’humanité. C’est ce que disent la loi et la Constitution. »

L’annonce de cette demande de grâce tombe aussi dans un contexte de tensions dans le clan fujimoriste. « La fille aînée de l’ex-président, Keiko, se voit embarrassée alors qu’elle s’est appliquée pendant toute la campagne à se détacher du lourd héritage politique de son père », analyse Gaspard Estrada. « Si la grâce est accordée, tout le discours de Keiko tomberait à l’eau et elle serait décrédibilisée. Cela pourrait arranger son frère Kenji, qui voudrait prendre sa place à la tête du parti », ajoute-t-il.

Un héritage fujimoriste lourd à porter…

L’ancien président Alberto Fujimori a laissé une trace sanglante dans l’histoire du Pérou, accusé de crime contre l’humanité et de corruption après la violente lutte contre le groupe maoïste Sentier lumineux. Le bilan de sa politique contre le Sentier lumineux est lourd : 70 000 victimes et disparus, la moitié dues au groupe terroriste, selon la Commission de la vérité et de la réconciliation, dont le rapport a été publié en 2003. Une politique de lutte contre le terrorisme mise en place après son « auto coup d’Etat » de 1992 avec l’armée, pour pouvoir changer la Constitution et instaurer un état d’urgence. La population garde aussi un goût amer de la campagne de stérilisation auprès de plus de 30 000 femmes, notamment indigènes. L’ancien chef de l’Etat a été condamné à 25 ans de prison pour avoir commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort, où 25 personnes ont été assassinées.

En 2000, il se présente à un troisième mandat,  mais il est obligé de quitter précipitamment le Pérou pour le Japon d’où il écrit sa lettre de démission et où il restera réfugié plusieurs années, les autorités japonaises refusant d’extrader celui qui a la nationalité. Il est arrêté au Chili en 2005, puis extradé du pays deux ans plus tard pour être jugé au Pérou. Il est aussi rattrapé par un scandale de corruption liée à son chef des services secrets qui s’est enrichi sur le dos du pays.

… mais qui divise encore le pays

Le vendredi 23 juillet au soir, au moment de l’annonce de cette demande de grâce de Fujimori, un petit millier de personnes a défilé dans les rues de Lima avec des banderoles marquées de slogans tels que « Fujimori, héros non compris. » « Ce qui est au final très peu », estime Gaspard Estrada qui se souvient des manifestations de dizaine de milliers de personnes contre la candidature de Keiko Fujimori au moment de la campagne présidentielle.
 

Le bilan de Fujimori reste ainsi mitigé pour certains Péruviens. Il est considéré comme celui qui est venu à bout du Sentier lumineux grâce à la capture de son chef Abimael Guzmán en 1992. Il est aussi populaire pour avoir contré la récession économique, combattu l’hyperinflation et redressé l’économie du pays à coup de routes et de collèges dans les campagnes reculées.

Si le parti fujimoriste et sa figure historique restent populaire, c’est aussi parce que c’est la seule offre politique structurée dans le pays. « Depuis Alberto Fujimori, aucun président n’a fait élire un successeur de son parti », pointe du doigt Gaspard Estrada. Malgré l’héritage autoritaire du père, « le mouvement a gardé son implantation locale dans tout le pays et son image d’ordre et de paix qu'a utilisée Keiko pendant la campagne en réponse à la montée des crimes et des violences au Pérou. »

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.