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Suriname

Elections au Suriname, plaque tournante du trafic de drogue

Ce lundi 25 mai 2015, la population du Suriname vote pour des élections générales. Ce scrutin permettra de faire élire par l'Assemblée nationale le président de la République qui dirigera le pays pour les cinq prochaines années. Une élection sous haute surveillance dans le plus petit Etat d’Amérique du Sud qui devrait se jouer entre deux grandes figures : le président sortant, candidat à sa propre succession, Desi Bouterse, soupçonné d’avoir eu un passé criminel chargé, notamment dans le trafic international de drogue, et Chan Santokhi, ancien ministre de la Justice, surnommé le «Shérif», qui dit vouloir remettre son pays sur le droit chemin. Le nouveau mandat présidentiel commencera en juillet 2015.

Le président sortant du Suriname Desi Bouterse (g) et son adversaire l'ancien ministre de la Justice Chan Santokhi.
Le président sortant du Suriname Desi Bouterse (g) et son adversaire l'ancien ministre de la Justice Chan Santokhi. REUTERS/Ranu Abhelakh/Montage RFI
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■ Le combat des chefs : le président-candidat contre le Shérif

Le choix du président devrait se jouer entre les deux principaux partis du pays : le NDP de Desi Bouterse et le V7 de Chan Santokhi. Le parti du président-candidat, le Parti Démocratique National (NDP), défend son bilan social. Durant son mandat, Desi Bouterse a pris de nombreuses mesures en faveur des plus pauvres, en augmentant les pensions, les allocations familiales, en créant une assurance santé pour tous et en instaurant un salaire minimum.

Des mesures populistes, selon le V7, une coalition de six partis de l'opposition qui a détourné le slogan du président « Bouterse travaille » en « Bouterse travaille pour lui-même, pour ses amis et sa famille ». Le V7 lui reproche d’avoir trop dépensé, d’avoir vidé les finances publiques, de n’avoir pas tenu ses promesses, par exemple lorsqu’il promettait 18 000 logements, alors que seulement 1 000 ont été créés.

Mais surtout, il l’accuse d’être le principal responsable de la corruption dont souffre le pays. Entre les deux chefs de partis, un autre contentieux pèse lourd. Son principal opposant Chan Santokhi, qui dit « ne pas savoir si Desi Bouterse est encore responsable du trafic de cocaïne », a déclaré que s’il remportait les élections, il ferait immédiatement abroger la loi d’amnistie dont bénéficie le président sortant.

■ Le Suriname, plaque tournante du trafic de drogue

Sa position sur la façade Atlantique, la présence d’une importante communauté surinamienne aux Pays-Bas et l’implication de hauts responsables de l’armée du Suriname ont permis aux cartels colombiens (cartel de Medellin, cartel de Cali) de s’ouvrir au marché européen de la drogue, à l’époque de la dictature militaire dirigée par Desi Bouterse. Dans les années 1990, 60% de la cocaïne en circulation en Europe a transité par ce pays. L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a annoncé, en mai 2015, qu’une grande partie de la drogue à destination de l’Afrique (35 à 40 tonnes annuelles) partait du Brésil jusqu’au Suriname avant de rejoindre l’Afrique.

Desi Bouterse, auteur de deux coups d’Etat, a été l’homme fort du pays pendant la période militaire et a été accusé d’être responsable de plusieurs crimes, dont l’assassinat de quinze opposants. Mais une loi d’amnistie votée par son parti majoritaire à l’Assemblée nationale peu de temps après son élection le protège dorénavant de ces accusations. Longtemps suspecté d’être le chef du cartel de Sur, une organisation internationale de trafic de cocaïne, Desi Bouterse a été condamné par contumace à une peine de onze ans de prison par la justice des Pays-Bas pour trafic de drogue. Il a également été sous le coup d’un mandat d’arrêt international d’Interpol qui a été levé dès qu’il a été nommé président du Suriname en 2010. En mars 2015, son fils Dino Bouterse a été condamné à seize ans de prison par un tribunal de New York, après avoir plaidé coupable de trafic d’armes et de cocaïne et pour avoir voulu installer un camp d’entrainement du Hezbollah au Suriname.

■ Un mode de scrutin indirect

Après la dictature militaire, le retour des civils au pouvoir et le changement de la Constitution ont permis, avec la loi du 23 octobre 1987, d'instaurer un système électoral qui permet dorénavant au peuple de choisir ses représentants politiques tous les 5 ans avec un système électoral en deux étapes. 

Tout d'abord, l'élection des parlementaires qui occuperont les 51 sièges de l’Assemblée nationale, chacun étant le candidat d’un parti politique ou d’une coalition de partis qui se sont regroupés pour avoir plus de poids. Les Surinamiens doivent aussi voter dans leurs régions respectives, pour un nombre de sièges arrêtés pour chaque district (Brokopondo 1, Commewijne 4, Coronie 2, Maroni 3, Nickerie 5, Para 3, Paramaribo 17, Saramacca 3, Sipaliwini 4, Wanica 7).

Dans un deuxième temps, à l’issue de cette consultation, la nouvelle Assemblée constituée vote pour choisir, dans un délai de deux mois, le prochain président du pays, qui sera nommé à la majorité des deux tiers. Si ce n’est pas le cas, une « assemblée des peuples » est constituée avec tous les élus provenant de l’Assemblée nationale, des conseils de districts et des conseils locaux, soit 919 élus, qui devront voter pour choisir un président. Une situation qu’a déjà connue le pays, puisqu’en 1996 le président a été choisi par ce dispositif de recours.

■ Les partis en compétitions

Sur les dizaines d’organisations politiques constituées dans la perspective des élections, seules 25 ont obtenu leurs agréments pour concourir. Certains partis politiques se présentent seuls (NDP, DOE, APS, PALU, NOP, DRS, Ping), d’autres se sont regroupés en coalition (V7, ABOP, AOP, A Nyun, Avant Mega…). Dans ce paysage complexe où l’on retrouve les principales composantes ethniques du pays (Javanais, Noirs Marrons, Créoles…) dont le poids pourrait être déterminant pour certains, quatre formations se démarquent et dominent ces élections 2015 :

  • Le NDP, « Le Parti Démocratique National » le parti de l’actuel président, Desi Bouterse, qui se présente seul contre tous les autres et qui souhaite pouvoir continuer à gouverner uniquement avec les hommes de son parti. Une position jugée risquée par les observateurs, mais qui pourrait être payante, le NDP étant donné comme favori par des sondages depuis le mois d’avril.
  • La coalition V7, signifiant V pour victoire et 7 pour les 7 organisations qui la composaient initialement, - car il ne sont plus que 6 (VHP, NPS, DA91, SPA, PL, BEP) - est menée par Chan Santokhi, un ancien ministre de la Justice et chef de la police, surnommé « le Shérif » par Desi Bouterse . Le V7 étant la principale force d’opposition au parti au pouvoir (le NDP).
  • Très loin derrière figure AC, le principal parti des marrons, l’ancien parti ABOP « le parti général de la libération et du Développement » de Ronnie Brunswijk : un ennemi historique du président Bouterse, contre lequel il a mené une guerre civile de 1986 à 1992 et avec lequel il s’était réconcilié pour constituer « la Mega combinaison », une formation politique qui a permis à Desi Bouterse de reprendre le pouvoir en 2010. Ronnie Brunswijk, un leader très populaire dans sa communauté, est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international d’Interpol pour trafic de cocaïne.
  • Enfin, en quatrième position parmi les favoris, le parti DOE, « Parti de la démocratie et du développement par l’unité », mené par le théologien Carl Breeveld surnommé « la conscience du Parlement » qui promet un Suriname propre et sans corruption.

→ Le Suriname en quelques mots

Presque entièrement recouvert de forêt amazonienne, l’ancienne Guyane hollandaise, indépendante depuis 1975, a connu depuis son indépendance une histoire troublée, avec deux coups d’Etat, menés par Desi Bouterse, le président sortant. Ses 539 000 habitants concentrés principalement sur la façade Atlantique (entre la Guyane française le Guyana et le Brésil) se composent d’Amérindiens (les premiers habitants), de Noirs Marrons (descendants d’esclaves africains), de Créoles, de Hollandais, d’Indiens et de Javanais (descendant des anciennes colonies). Le Suriname riche en ressources naturelles très convoitées (or, bauxite et pétrole représentent 30% du PIB) est très touché par la déforestation du fait de l’orpaillage illégal et de l’exploitation de bois précieux par des compagnies étrangères, principalement chinoises. Mais c’est surtout un pays marqué par la corruption et une longue histoire avec le trafic de drogue.

→ A (re)voir: notre webdocumentaire:  

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