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Nicaragua

Nicaragua: début des travaux du canal interocéanique controversé

La construction du canal interocéanique du Nicaragua débute lundi 22 décembre. Un projet à 50 milliards de dollars (presque cinq fois le PIB du Nicaragua) confié à une entreprise chinoise. Plus long et plus large que le canal de Panama, la compagnie espère capter 5% du commerce mondial. Mais malgré les retombées économiques, ce projet n'est pas accueilli à bras ouverts par les Nicaraguayens.

Une manifestation contre la construction du canal du Nicaragua, le 10 décembre à Managua.
Une manifestation contre la construction du canal du Nicaragua, le 10 décembre à Managua. ©Reuters.
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« Ce qui a été un rêve depuis un siècle au Nicaragua va devenir réalité », a affirmé Telémaco Talavera, le porte-parole de la commission du canal. Un an et demi après le vote de la loi permettant la construction de ce canal, le chantier est lancé, mais il est très controversé.

D'abord, parce que l'entreprise concessionnaire est une entreprise chinoise - HK Nicaragua Canal Development Investment (HKND) - dirigée par le magnat des télécommunications Wang Jing. Les premières critiques portent sur le manque d'expérience de HKND dans la construction d'un canal. Mais le gouvernement nicaraguayen est également critiqué parce que la loi, votée en juin 2013 pour la construction du canal, accorde trop d’avantages à l'entreprise chinoise.

Pour Victor Hugo Tinoco, député du Movimiento Renovador Sandinista, « cette loi est faite pour permettre la réalisation d'une série de projets ou d'investissements de moindre envergure [...] Ces affaires pourront être réalisées avec une série d'avantages vraiment paradisiaques ! Par exemple, il n'y a pas d'impôts locaux à payer, il n'y a pas non plus d'impôts à verser au gouvernement central. »

L’entreprise chinoise bénéficie d’un contrat de droits exclusifs de 50 ans, renouvelable, pour construire le canal de 280 km et l’administrer. HKND prévoit également de construire de nombreuses infrastructures secondaires, comme des ports, des aéroports, des zones franches et même des complexes touristiques.

Quel bénéficie pour le Nicaragua ?

HKND investit 50 milliards de dollars au Nicaragua et avec le canal, le pays prévoit de devenir le plus riche d'Amérique centrale. « Le Nicaragua n’investit rien, il fournit seulement le terrain, explique le président de l'autorité du canal, Manuel Coronel Kautz. Le contrat prévoit que le Nicaragua reçoive 1 % de la valeur des actions et dans 50 ans il en aura 51 %. » Selon les analyses préliminaires, les rentrées initiales de revenus devraient atteindre 2 000 millions de dollars, précise Manuel Coronel Kautz.

HKND prévoit d'embaucher 50 000 Nicaraguayens durant la construction du canal et jusqu’à 200 000 durant l’exploitation. Mais selon un opposant, à seulement quatre jours du début des travaux, aucun ouvrier n’avait été contacté pour travailler sur le canal. Les opposants au canal critiquent également le manque de communication et de transparence de la part du gouvernement comme de l’entreprise.

Un impact environnemental considérable

Le tracé du canal prévoit de traverser le lac Cocibolca, la plus grande réserve d’eau douce d’Amérique centrale ainsi que des forêts et des zones protégées. Monica Lopez Baltodano, une jeune avocate à la tête du mouvement d’opposition a écrit « 25 vérités et 40 violations de la Constitution ». Dans cet article, elle dénonce entre autres les risques environnementaux : « Les impacts du projet de canal seront démesurés d'un point de vue social, culturel, environnemental. Et bien sûr, le risque que l'on craint le plus et qui est inacceptable, est pour notre grand lac Cocibolca. Nous avons mis en garde contre cette construction, à travers plusieurs études. »

Principal problème : la salinisation du lac du Nicaragua, de 8 000 mètres carrés. Une des options selon des spécialistes serait de reverser 50 % de l’eau salée utilisée dans les écluses dans le fleuve San Juan, frontalier avec le Costa Rica. Pour Jorge Huete Perez, le directeur de l’Académie des sciences du Nicaragua, les dommages sur la biodiversité sont inévitables : « La nature chimique et biologique du lac sera altérée en raison des travaux, du dragage de la boue et de l'introduction de matériaux de construction. Et puis ce qui va se passer aussi c'est que la division en deux du lac du fait de la construction du canal affectera la mobilité et la migration de toutes les espèces qui vivent dans le lac. »

Pour apaiser les critiques, la société HKND a commandé une étude d'impact environnemental à l'ERM, l'Environmental Ressources Management. Ce cabinet britannique n’a pas souhaité s’exprimer pour l'instant. Le rapport devrait être rendu public d'ici le mois d'avril.

Une opposition grandissante

Mais les travaux commencent et le tracé a déjà été dessiné et décidé. Sur la route du canal se trouvent 30 000 paysans et indigènes, menacés d’expulsion. « Ces gens ont su qu'ils allaient être expropriés parce que la loi stipule que c'est l'entreprise concessionnaire qui décide quelle zone elle va utiliser et donc quelle propriété. Et il n'y a eu aucune discussion dans ce processus d'expropriation », explique Victor Campos, sous-directeur de l'ONG Humboldt.

Ces trois derniers mois, les protestations se sont multipliées, sous les slogans « les Chinois dehors », « le Nicaragua n'est pas à vendre » et les critiques continuent également sur le réseau social Twitter, avec le hashtag, #noalcanal. Ils sont des milliers à avoir manifesté contre ce canal interocéanique dont la construction commence pourtant bien lundi 22 décembre. Les travaux pourraient durer entre cinq et dix ans selon l’entreprise chinoise.

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