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Venezuela

Venezuela: «un pardon global serait une incitation à la violence»

Au Venezuela, les autorités sont accusées par l'opposition et certaines organisations internationales de graves violations des droits de l'homme. Elias Jaua, ministre vénézuélien des Affaires étrangères, était à Paris hier, pour reconquérir l'opinion publique internationale. Il a livré la version de son gouvernement concernant les troubles qui secouent le pays depuis plus de 2 mois. Accompagné de 3 victimes, photos chocs à l'appui, Elias Jaua a accusé l'opposition d'être responsable des violences. Interview exclusive.

Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Elias Jaua lors d'une conférence à Brasilia, le 28 février 2014.
Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Elias Jaua lors d'une conférence à Brasilia, le 28 février 2014. REUTERS/Joedson Alves
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RFI : Quel est le sens de votre visite ici à Paris ? Vous avez dit vouloir lancer une campagne pour sensibiliser l’opinion publique internationale à la situation au Venezuela.

Elias Jaua : Face aux mensonges qui ont été répandus sur la situation au Venezuela, nous avons lancé, avec des victimes d’actes de violences commis par l’opposition vénézuélienne, une campagne pour faire entendre la version de la majorité du peuple vénézuélien qui veut la paix et qui soutient le gouvernement démocratique. Nous avons eu une réunion avec la directrice générale de l’Unesco pour lui faire part des violations des droits fondamentaux : le droit à l’éducation, le droit à l’information et d’autres, bafoués à cause de cette violence orchestrée par l’opposition.

Depuis le mois de février, des manifestants, en grande partie des étudiants, contestent la gestion du pays par votre gouvernement. Comprenez-vous qu’on puisse manifester quand on est jeune Vénézuélien aujourd’hui ?

Bien sûr. Moi aussi j’étais jeune, et j’ai manifesté. Mais ce qui ce passe aujourd’hui au Venezuela n’est pas une révolte traditionnelle d’étudiants. Les secteurs étudiants n’ont formulé aucune revendication, parce qu’au Venezuela l’éducation universitaire est publique et gratuite. L’objectif de ces actions violentes est le renversement du gouvernement du président Nicolas Maduro.

Ce mouvement de manifestation a commencé dans la ville de San Cristobal, dans l’Etat de Tachira : des étudiants sont descendus dans les rues pour protester contre un problème d’insécurité sur le campus de leur université.

Le 23 janvier dernier, des dirigeants politiques, Leopoldo Lopez (dirigeant du parti de l’opposition Voluntad Popular, NDLR) et Maria Corina Machado (députée d’opposition destituée depuis par le pouvoir, NDLR) ont appelé l’ensemble de la population à se mobiliser pour provoquer la chute du gouvernement de Nicolas Maduro. Le but était de forcer le président à partir en utilisant le problème de l’insécurité et les problèmes économiques qui existent au Venezuela comme dans n’importe quelle autre société. Les faits que vous évoquez dans la ville de San Cristobal font suite à cet appel à la mobilisation pour forcer le gouvernement de Nicolas Maduro à partir.

 → A (RE)LIRE : Venezuela: destitution de la députée d’opposition Maria Corina Machado

Donc vous pensez que tous les étudiants, tous les manifestants dans la rue sont des contre-révolutionnaires ?

Il faut bien différencier : au Venezuela il y a tous les jours des centaines de manifestations diverses et variées. Des travailleurs qui manifestent pour une augmentation de leurs salaires, une communauté qui veut plus de logements. Bref, tous les problèmes que l’on peut rencontrer dans quelque société que ce soit. Et au Venezuela on est libre de manifester pacifiquement pour demander au gouvernement de trouver une solution. Mais ce que nous vivons actuellement est la tentative de renversement d’un gouvernement démocratique.

Ces manifestations ont été entachées de violences. Qui est responsable ?

Certains dirigeants politiques que j’ai déjà nommés sont les responsables, car ils encouragent ces agissements violents. Mais il faut aussi citer le rôle des maires d’opposition de certaines municipalités qui encouragent, qui promeuvent, qui tolèrent ou permettent la violence dans les rues.

Des vidéos de groupes armés, qu’on appelle les colectivos au Venezuela, ont fait le tour du monde ces dernières semaines. On y voit des hommes cagoulés, souvent à moto, tirer dans la foule des manifestants, notamment lors d’une grande manifestation à Caracas, le 12 février dernier. Est-ce que les colectivos ont une responsabilité dans les violences actuelles et qui contrôle ces groupes aujourd’hui ?

Il faut d’abord préciser que le terme colectivo est très commun au Venezuela et désigne une organisation sociale. Il existe des collectifs de théâtre, des collectifs de quartier : les collectifs englobent de nombreux secteurs de la société civile. Donc il faut faire attention à ne pas tous les diaboliser dans le débat actuel. Par le passé, il existait des collectifs qui avaient été créés pour servir de système de défense contre la délinquance et la répression policière. Ça, c’était dans le passé. Durant les quinze dernières années de la révolution bolivarienne, ces groupes ont été désarmés et réinsérés dans la société.

Aujourd’hui, je vous assure qu’aucun des collectifs liés à la révolution bolivarienne n’est responsable des morts qu’on a déplorés ces derniers mois.

Elias Jaua, votre gouvernement a lancé il y a deux semaines un dialogue avec l’opposition, dont une partie seulement a répondu présent. Où en est ce dialogue aujourd’hui et quel est son objectif ?

Si tous les secteurs de l’opposition avaient accepté la proposition de dialogue lancée par le président Maduro dès le mois de décembre de l’année dernière, il n’y aurait pas eu 41 morts. Maintenant que la majorité de l’opposition a accepté de parler avec le gouvernement, il faudrait qu’elle ait le courage et le talent démocratique d’aller jusqu’au bout de ce processus de dialogue et de revenir sur la voie démocratique et constitutionnelle en renonçant à utiliser la violence comme moyen politique pour arriver au pouvoir. L’opposition devrait s’engager sur un agenda de politiques publiques pour trouver des solutions aux problèmes de la société vénézuélienne.

L’opposition arrive à la table des négociations avec un certain nombre d’exigences, comme la libération des opposants emprisonnés, le désarmement des milices ou encore une plus grande équité dans les institutions vénézuéliennes (comme le Tribunal suprême de justice ou encore le Conseil électoral national). Est-ce que votre gouvernement est prêt à faire un geste pour redonner confiance à cette moitié de la population qui a voté pour l’opposition ?

Il y a certains sujets que l’opposition a mis sur la table et qui peuvent être discutés dans le cadre constitutionnel. Par exemple le renouvellement des postes vacants au sein des pouvoirs publics. C’est quelque chose qui se décide au niveau du parlement vénézuélien. Pour la nomination d’une personne au sein des pouvoirs publics une majorité qualifiée est requise. Ni l’opposition, ni nous, n’avons cette majorité qualifiée. Il faut donc suivre le processus constitutionnel. Les candidats à ces postes doivent postuler, leur candidature sera soumise au vote et ils doivent ensuite obtenir une majorité qualifiée pour être nommés. Sur ce point nous sommes donc tout à fait d’accord avec l’opposition.

Concernant le thème du désarmement : au Venezuela nous avons une loi sur ce thème, approuvée par le Parlement, qui prévoit le désarmement total de l’ensemble de la population, aussi bien des bandes criminelles que de certains acteurs politiques. Nous avons proposé un plan de pacification et de désarmement de tout le pays pour travailler avec les gouverneurs de l‘opposition. Mais elle refuse de participer à ce plan, parce que nous lui demandons de renoncer publiquement à la violence comme moyen politique, comme nous l’avons fait de notre côté.

Pour ce qui est de l’économie, nous avons mis en place avec le secteur privé un programme de développement pour dynamiser l’économie du Venezuela.

Sur tous ces sujets, nous sommes tout à fait prêts à avancer ensemble. En ce qui concerne les personnes détenues pour des actes violents, nous réitérons ici qu’au Venezuela personne n’est emprisonné à cause de ses positions politiques. Les personnes détenues le sont pour des actes de violence, pour des homicides, pour des destructions de biens publics ou privés. Et s’il y a bien une chose que le Venezuela a besoin de dépasser, c’est le problème de l’impunité. L’heure de la justice est venue. Et notre législation permet bien évidemment à certaines personnes incarcérées d’être libérées pour des motifs humanitaires, par exemple pour raison de santé. Nous sommes prêts à en discuter. Mais un pardon global ne serait qu’une incitation à la violence. Et cela provoquerait un climat grave d’impunité.

 

 

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