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Mali

Mali: le «bien-être en itinérance» d’Alioune Ifra N’Diaye

Pour engager le changement, le « Nyanajè Taama » (le « bien-être en itinérance ») d’Alioune Ifra N’Diaye s’adresse à la jeunesse malienne. Un programme d’éducation à la citoyenneté porté par des actions culturelles sur l’initiative d’un homme aux multiples talents qui œuvre pour bouger les lignes de son pays et préparer le Mali de demain. Entretien avec Alioune Ifra N’Diaye en préparation d’un spectacle intitulé « Hòròn », qu’il présentera le 14 septembre à l’Unesco, pour donner de la visibilité à son programme d’actions sur 35 villes du Mali.

Alioune Ifra N’Diaye: au Mali, «tout est à réinventer, avec une population très jeune, constituée à 80% d’individus de 40 ans et moins, avec 50% de moins de 15 ans».
Alioune Ifra N’Diaye: au Mali, «tout est à réinventer, avec une population très jeune, constituée à 80% d’individus de 40 ans et moins, avec 50% de moins de 15 ans». RFI / Arnaud Jouve
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Créateur culturel dans de multiples domaines, Alioune Ifra N’Diaye, inlassable pourfendeur des fléaux de la société malienne, n’en est pas à sa première initiative. Après avoir étudié le cinéma à Montréal, l’ingénierie culturelle à Paris, il monte avec Jean-Louis Duvauroux une pièce en bambara, un Malien de cœur, fonde la troupe BlonBa, ouvre l’espace culturel BlonBa de 2007 à 2012. Producteur de télévision, il postule à la direction générale de l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM). Il crée Wôklöni (les lutins dans la mythologie mandingue), une chaîne privée axée sur la citoyenneté et financée par le public qui produira des dessins animés. Après le coup d’État de 2012, il monte Taynibougou (« La cité des profiteurs ») pour faire réfléchir le public sur la corruption. En tant que producteur, réalisateur, auteur, créateur d’événements, il multiplie ses actions dans différents champs culturels et se consacre aujourd’hui avec « Nyanajè Taama » (le « bien-être en itinérance ») à l’éducation citoyenne auprès d’une jeunesse malienne qu’il a toujours accompagnée.

RFI : quel regard portez-vous sur le Mali d’aujourd’hui ?

Alioune Ifra N’Diaye : Le Mali est issu de plusieurs siècles de déconstruction. Ses peuples, depuis l’indépendance en 1960, ont l’immense tâche de réinventer une société harmonieuse sur un territoire tracé selon des intérêts qui lui sont extérieurs. Je suis de ces peuples. Notre réflexe a été avant tout de prouver que nous sommes issus d’histoires prestigieuses. L’essentiel de notre énergie y a été consacré depuis les indépendances. Et sans nous en rendre compte, nous avons construit une société qui définit essentiellement son présent par le passé et non le futur à construire. En plus de cette difficulté à construire un univers symbolique commun en lien avec les réalités du monde d’aujourd’hui, nous n’avons pas su réinventer une solidarité moderne et une administration publique acceptée comme représentant de l’intérêt général. Aujourd’hui, la question nous est posée de manière violente avec la crise multiforme que nous subissons depuis 2014 et notre rapport avec le « Nouveau Monde » post-capitaliste en construction avec comme enjeux le numérique, les énergies renouvelables, la sauvegarde de l’environnement, la nanotechnologie et la culture. Même les pays les mieux préparés ont des difficultés à faire corps avec cette révolution. Avec la crise commencée en 2013, en quelques années, nos légendes fondatrices traditionnelles ont brusquement cessé de nous mettre en mouvement et en confiance. Les réalités implacables du présent nous débordent aujourd’hui de tous les côtés, fournissant ainsi une autoroute à la montée en puissance d’organisations mafieuses à connotation militaire, syndicale, religieuse ou ethnique cherchant à se substituer à l’État.

Face à ce constat, comment enclencher le changement au Mali ?

Je considère cette situation du Mali comme une opportunité. Tout est à réinventer. Avec une population très jeune, constituée à 80% d’individus de 40 ans et moins, avec 50% de moins de 15 ans. Celle-ci est sans complexe et s’est construite un moteur culturel par les réseaux sociaux et les programmes télévisuels. Même si aujourd’hui elle s’exprime généralement par une contestation de toutes les autorités (familiale, scolaire, académique, administrative, religieuse, politique, professionnelle, etc.), par l’envie de s’expatrier ou par des formes maladroites de manifester son attachement à son pays, cette tranche d’âge est la clé d’une nouvelle dynamique d’un Mali post-crise et en phase avec l’évolution du monde. C’est pourquoi nous proposons un inédit programme d’éducation à la citoyenneté dénommé « Nyanajè Taama » (le « bien-être en itinérance »).

Les actions de « Nyanajè Taama » visent à « vendre » aux jeunes le Mali nouveau émergeant de la crise, d’opportunités, démocratique et décentralisé où ils sont désormais invités à participer activement, à la fois en tant que détenteurs de droits, mais aussi de responsabilités. C’est une configuration élargie aux formes nouvelles d'expressions juvéniles et de communication : télévision, événements, loisirs, voyages, compétitions, réseaux sociaux, diffusion artistique et culturelle, culture scientifique, écriture, animations citoyennes, etc.

C’est une initiative politique ou une action citoyenne ?

C’est une action citoyenne. Nous sommes très connus pour notre engagement dans ce domaine. Notre expérience en éducation à la citoyenneté, par la production culturelle, est incontestable. Sous le label BlonBa, nous avons conçu et mis en œuvre le volet audiovisuel du PNEC (Programme national d’éducation à la citoyenneté), qui a été un grand succès populaire et a permis d’atteindre presque 50% de taux de participation aux élections communales de 2004. De 2006 à 2009, nous avons permis de baisser la méfiance du grand public et cela a participé à l’amélioration du taux d’enregistrement à l’état civil des enfants maliens à leur naissance. C’est fort de cette expérience que nous souhaiterions travailler à la reconstruction de la confiance du Malien envers le Mali et les autorités du Mali.

Vos initiatives ne vous font pas que des amis. Est-ce que c’est difficile de travailler dans un pays si divisé ?

C’est vrai que c’est difficile de travailler au Mali avec une relative indépendance. Il faut appartenir à un camp. J’avoue que ça ne me facilite pas la tâche. Et les tentatives de récupérations partisanes sont régulières. Mais aussi énormément de sabotages ! Ce sont beaucoup d’énergies dépensées qui auraient pu être utilisées autrement.

En quoi consiste le programme « Nyanajè Taama » ?

Le « Nyanajè Taama » est un programme d’éducation à la citoyenneté ambitieux. Chaque saison couvre 35 villes, sensibilise 3 millions de personnes et met en action 3 500 jeunes qui influenceront en moyenne une dizaine de leurs camarades. Il renoue le lien entre les autorités (administratives, scolaires, traditionnelles, politiques, économiques) avec les jeunes. En lui seul, le programme produit 35 caravanes entre 35 villes. Il propose un programme de télévision constitué de 11 émissions grand format de 90 minutes contenant plus de 77 reportages, bio express, interview, saynète, monographie de quartiers, villes et villages. Il programme dans les 35 villes couvertes 172 activités culturelles, de team building (renforcement d’équipe), de conférences-débats, d’initiations aux enjeux du « Nouveau Monde », d’animations liées aux enjeux du dividende démographique.

Pour lancer et faire connaître le programme « Nyanajè Taama », en lien avec le gouvernement malien nous présenterons un spectacle musical intitulé Hòròn le 14 septembre au siège de l'Unesco à Paris.

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