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Nucléaire

Quel impact pour le Traité d’interdiction des armes nucléaires?

La bombe atomique sera-t-elle un jour interdite, au même titre que les armes chimiques ou biologiques ? C’est l’ambition du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en juillet dernier et signé mercredi par une cinquantaine de pays, le Brésil en tête. Seuls ces Etats signataires seront soumis à l’interdiction. Les Etats nucléaires ont refusé de participer à l’élaboration du nouveau traité et certains, comme la France, redoutent un affaiblissement du Traité de non-prolifération nucléaire.

Les dirigeants de la Corée du Nord sur un site d'armement nucléaire.
Les dirigeants de la Corée du Nord sur un site d'armement nucléaire. KCNA via REUTERS
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Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires est le fruit de la mobilisation d’ONG et de pays traditionnellement engagés contre l’arme atomique : l’Autriche, le Mexique, l’Afrique du Sud, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, la Suède ou encore le Brésil. Le 7 juillet dernier, ce sont 122 pays qui ont adopté ce nouveau traité à l’ONU. Ouvert à la signature ce mercredi 20 septembre, il entrera en vigueur lorsque 50 Etats l’auront ratifié. Le président brésilien Michel Temer a été le premier à signer ce texte, et devait être suivi par 50 autres pays.

« La philosophie de ce traité, c’est qu’un Etat ne doit plus construire sa sécurité sur la possibilité de tuer des millions de personnes », explique Jean-Marie Collin, l’un des représentants en France de la campagne ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons) et de l’Initiative pour le désarmement nucléaire.

C'est un traité qui va avoir force de loi. C'est-à-dire que les armes nucléaires vont être déclarées illégales une fois que celui-ci sera ratifié, ce qui va prendre encore quelques mois. On peut imaginer qu'en 2018, celui-ci sera pleinement en vigueur

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Jean-Marie Collin, représentant en France de la campagne ICAN

Nicolas Falez

De fait, le traité interdit « de développer, tester, produire, fabriquer, acquérir, posséder ou stocker des armes nucléaires ». « Le but n’est plus de prévenir la guerre nucléaire, mais d’affirmer que l’existence des armes elles-mêmes est devenue le problème »,  analyse Benoît Pelopidas, titulaire de la chaire d’excellence en études de sécurité à Sciences po.

Aucun Etat nucléaire ne veut signer

Le message est fort, mais seuls les pays signataires seront concernés par l’interdiction prévue par le nouveau traité. Or, aucun des Etats possédant la bombe atomique n’a l’intention de le signer. Aucun signataire non plus, parmi les Etats qui s’estiment protégés par l’arsenal nucléaire d’un de leurs alliés - les pays de l’Otan par exemple.

Cela signifie-t-il que les puissances nucléaires balaient d’un revers de main ce Traité d’interdiction des armes nucléaires qui au fond ne changera rien pour elles ? Pas vraiment : si on prend l’exemple de la France - puissance nucléaire -, on s’aperçoit au contraire que le nouveau texte fait grincer des dents. En arrivant à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU, le chef de la diplomatie française Jean-Yves le Drian a parlé « d’irresponsabilité » à propos de ce traité.

Selon le ministre français des Affaires étrangères, « la France a refusé de prendre part aux négociations sur un Traité d’interdiction des armes nucléaires parce qu’une telle démarche ne peut qu’affaiblir le Traité de non-prolifération nucléaire ». Hors micro, des diplomates français ajoutent que le Traité d’Interdiction des armes nucléaires comporte d’importantes faiblesses. « Le mécanisme d’élimination des armes nucléaires qu’il prévoit offre des garanties inférieures à celles du TNP », confie un diplomate, qui s’étonne aussi de la « clause de sortie » prévue dans le nouvel outil juridique.

Pourquoi tant de défiance alors que la France, non-signataire, n’a juridiquement rien à craindre du nouveau traité et que ce dernier ne se substitue pas au TNP ? « Ce qui dérange les Etats nucléaires, c’est le risque que ce nouvel outil vienne interférer avec le cycle d’examen du TNP qui permet tous les cinq ans de faire le point sur les engagements pris par les Etats dotés [de la bombe] en direction du désarmement », explique Benjamin Hautecouverture, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.

Ce face-à-face entre partisans du Traité d’interdiction des armes nucléaires et puissances nucléaires attachées au TNP survient aussi dans un contexte particulier : celui des tensions apparues ces dernières années avec la Russie et surtout de la crise nucléaire nord-coréenne.

« Cela jette une lumière assez étrange sur les ambitions des promoteurs du nouveau traité, note Benjamin Hautecouverture. On a le sentiment qu’il va y avoir une interdiction juridique sans incidence sur le plan stratégique et qui fonctionnera comme une sorte de petite bulle légo-diplomatique au-dessus de la sphère réelle de la sécurité, où on a des Etats qui se tapent dessus, des Etats qui cherchent à se doter de l’arme nucléaire et qui se fichent totalement de ce débat. »

Traité d’interdiction contre TNP ?

Le Traité de non-prolifération nucléaire mentionne le droit de cinq pays (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France) à posséder la bombe atomique et interdit aux autres Etats signataires d’acquérir l’arme nucléaire. Il prévoit aussi des efforts de désarmement, mais ils sont en réalité bien peu tangibles. C’est pourquoi le nouveau traité bannissant l’arme nucléaire « est le symptôme d’une insatisfaction des Etats ayant choisi de ne pas se doter de cette arme, alors que les Etats dotés d’armes nucléaires annoncent ou mettent en œuvre des programmes de modernisation pour les 30 ou 40 prochaines années », explique le chercheur Benoît Pelopidas.

Le TNP est-il devenu un instrument permettant à un « club » restreint de posséder la bombe ? « Il peut y avoir chez certains Etats (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Mexique…) l’impression d’un double langage des Etats qui utilisent l’arme nucléaire comme instrument de puissance sur la scène internationale », reconnait Benjamin Hautecouverture de la Fondation pour la recherche stratégique.

Un déséquilibre que souligne Jean-Marie Collin, qui s’étonne de cette cohabitation « d’une prolifération légale et d’une prolifération illégale ». « Toutes ces critiques venues des Etats nucléaires montrent bien qu’ils ont compris que le nouveau traité risque de mettre fin à leurs arsenaux. » Selon cet expert engagé pour le désarmement nucléaire, c’est pour cela que « la France exerce actuellement des pressions extraordinaires sur un certain nombre d’Etats africains pour ne pas qu’ils signent, ou que les Etats-Unis menacent la Suède de sanctions dans le domaine de la coopération militaire. »

Benoît Pelopidas ajoute : « La communication française dit que la dissuasion nucléaire protège l’Etat contre toute menace quelle qu’en soit la nature. Si vous dites ça, comment faites-vous pour justifier, en dehors de l'invocation d'une obligation légale, que les autres Etats ne doivent pas posséder cet instrument merveilleux »

Alors que nous maîtrisons la technologie nucléaire, nous avons, de notre plein gré, renoncé à posséder des armes nucléaires. Le Brésil est un pays dont la Constitution elle-même interdit l'utilisation de la technologie nucléaire à des fins non pacifiques

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Michel Temer et le Brésil s'engagent

RFI

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