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Ouganda / Société

Minorités sexuelles en Ouganda: «modifier la loi, mais aussi les mentalités»

Trois ans après l'abandon d'une loi extrêmement liberticide, les membres de la communauté Lesbienne, gay, bi et transgenre (LGBT) doivent toujours subir de fortes discriminations en Ouganda, où l'homosexualité est toujours passible d'une peine de prison.

La militante pour les droits de la communauté LGBT, Kasha Jacqueline Nabagesera, négocie avec les forces de police, lors de la tentative d'organisation d'une Gay Pride à Entebbe, en Ouganda, le 24 septembre 2016
La militante pour les droits de la communauté LGBT, Kasha Jacqueline Nabagesera, négocie avec les forces de police, lors de la tentative d'organisation d'une Gay Pride à Entebbe, en Ouganda, le 24 septembre 2016 RFI / Gaël Grilhot
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« Nous allons attaquer et attaquer encore. J'ai de nouvelles tactiques. Nous allons nous procurer (une) machine qui permettra de détecter les homos et les pornographes, en particulier ceux qui utilisent à de mauvaises fins des applications comme WhatsApp. » Le révérend Lokodo en est persuadé, le mal représenté par les homosexuels en Ouganda peut et doit être combattu. Par tous les moyens. Il affirme même avoir mis en place « un programme visant à réhabiliter les membres de la communauté LGBT, dans le but ultime de leur donner une chance de mener une vie normale. »

Obsédé par la lutte contre l'homosexualité, le révérend Lokodo tient un discours extrêmement virulent et réactionnaire, voire paranoïaque, qui pourrait presque prêter à sourire par ses outrances. Sauf que le révérend Lokodo occupe actuellement le poste de ministre de la Morale et de l'Intégrité, et que sa vision est officiellement celle du gouvernement ougandais. La loi ougandaise est en effet très répressive, pour tout ce qui concerne les « actes contre nature », passibles théoriquement d'une lourde peine de prison. Une loi signée en février 2014 par Yoweri Museveni prévoyait même la détention à vie pour ce type de délit, ainsi qu'une obligation à la délation.

Six mois plus tard, face à la condamnation internationale, la loi a été annulée par la justice, mais les dégâts sont toujours présents au sein de la société. « Il y a toujours des gens qui vont à la police pour dénoncer des homosexuels (…) Les gens ne savent pas que la loi a été supprimée », explique Pepe Julian Onziema, travailleur social et ardent défenseur de la communauté LGBT dans son pays. « Les homosexuels font toujours l'objet d'extorsion, poursuit le directeur des programmes de l'organisation Minorités sexuelles en Ouganda. Avant, les homosexuels étaient expulsés de chez eux, mais aujourd'hui, ils sont gardés prisonniers au sein de leurs familles et subissent des mauvais traitements. » Beaucoup, encore, doivent cacher leur orientation sexuelle au travail, de peur d'être stigmatisés. Une exclusion sociale qui peut aller assez loin, en matière de santé, ou pour trouver un logement, par exemple.

Les médias se chargent du coming-out

Grand et élancé, Philip* se remémore avec peine ses 20 ans, lorsque ses proches ont découvert son homosexualité. « C'était très difficile, avoue-t-il, la famille, les amis, tous m'ont rejeté. » Il n'a pas fait volontairement de coming-out, ce sont les médias qui s'en sont chargés. En Ouganda, des tabloïds ont diffusé l'identité d'homosexuels à plusieurs reprises. « Quand ils ont vu mon visage et mon nom, continue-t-il, ça a été très dur. ». « C'est très compliqué d'être gay en Ouganda, confirme-t-il. Vous êtes tout le temps obligé de vous cacher. » Mais Philip est optimiste. « Avec le temps, dit-il, ma famille a fini par accepter. » Il a pourtant payé physiquement son homosexualité, et son engagement pour la cause LGBT. A plusieurs reprises, il s'est fait agresser dans la rue et il ne compte plus les menaces à son encontre.

En août 2016, une descente de police a eu lieu dans un bar branché de la capitale, où la communauté LGBT organisait une soirée. De nombreuses interpellations ont eu lieu, et des participants ont été battus et humiliés, certains, forcés de se mettre nus. Frappé lors de cette opération, Pepe a été blessé et en conserve des séquelles au niveau de son audition. « Je vis avec la peur, avoue-t-il, mais je ne peux l'autoriser à m'empêcher de continuer ». Des raisons d'espérer, il y en a, estime cependant Pepe. « Depuis trois ans, il y a de moins en moins de discours politiques haineux contre les LGBT ».

Une participante à la tentative de Gay Pride organisée à Entebbe, en Ouganda, le 24 septembre 2016.
Une participante à la tentative de Gay Pride organisée à Entebbe, en Ouganda, le 24 septembre 2016. Photo : RFI/Gaël Grilhot

Malgré les menaces du Révérend Lokodo, la communauté LGBT tente d'organiser une Gay Pride (Marche des fiertés) chaque année. Même si la dernière a été dispersée par la police, le simple fait d'essayer de le faire est selon lui un succès en soi.

Pragmatiques, le gouvernement et le Parlement discutent en outre régulièrement avec les responsables de Minorités sexuelles en Ouganda (Sexual Minorities Uganda), sur des questions de santé notamment. L'organisation travaille également avec les communautés, pour faire évoluer les mentalités. « Je ne voudrais pas que nous ayons une situation comme en Afrique du Sud, où il y a une loi [qui autorise l'homosexualité], mais où l'esprit des gens ne suit pas la loi, insiste Pepe. C'est pourquoi nous essayons de faire modifier la loi, nous tentons de changer les mentalités. De sorte qu'un jour, s'il y a une loi qui autorise le droit aux homosexuels d'avoir une famille (…), ce sera une acceptation collective de la société ougandaise. »

* Par souci de sécurité, le prénom et la description physique ne correspondent pas à la réalité

→ A (re) écouter  : Communauté LGBT ougandaise, une vie sous tension (Reportage Afrique)

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