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Anniversaire/Botswana

Botswana: les diamants ne sont pas (toujours) éternels

Le 30 septembre 1966, le Botswana accédait à l’indépendance. Pour Gaborone, le départ des Britanniques a coïncidé avec l’enrichissement de sa population grâce à la découverte des mines de diamants sur son territoire au cours des premières années de la décolonisation. En l’espace de 50 ans, ce pays est devenu l'un des plus remarquables exemples de la réussite économique en Afrique subsaharienne, principalement grâce à l'exploitation du diamant. Mais jusqu'à quand ?

Le président du Botswana Ian Khama, ici lors de sa réélection en octobre 2014.
Le président du Botswana Ian Khama, ici lors de sa réélection en octobre 2014. AFP/Monirul Bhuiyan
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On a frôlé la guerre diplomatique entre Londres et Gaborone, avec l’annulation de dernière minute par la princesse Anne, fille de la reine Elizabeth II, de sa participation aux cérémonies du cinquantenaire de l’indépendance du Botswana ce vendredi 30 septembre. Tout est rentré dans l’ordre depuis, le frère de la princesse - le prince Andrew - ayant accepté de la remplacer. Il y avait toutefois peu de risques que cette défection princière entame les célébrations prévues par les dirigeants du Botswana pour commémorer la fin de la domination anglaise. L’absence de la princesse serait passée d’autant moins inaperçue que pour la majorité des 2 millions de Botswanais, qui ont moins de 18 ans, la colonisation britannique appartient aujourd’hui bel et bien au passé.

Force est de constater que, depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de l’histoire. Les vieilles générations qui avaient assisté en 1966 à la cérémonie de passation de pouvoirs aiment raconter combien les Anglais étaient pressés de quitter ce territoire enclavé de l’Afrique australe, sans grande perspective d’avenir et surtout où il ne se passait jamais rien. « Nothing happens there », avaient coutume de répéter les administrateurs anglais. Ironie de l’histoire, un an après l’indépendance, le Botswana a découvert ses mines de diamants. Ces mines ont fait la fortune de ce vaste pays désertique qui présentait peu d’attraits sous la colonisation.

De Bechuanaland au « miracle africain »

Si, avec son revenu par habitant avoisinant 7 240 dollars, le Botswana fait partie des pays les plus riches aujourd'hui, peu de gens se souviennent encore que dans les années 1960, il comptait parmi les pays les plus pauvres du monde, avec des indicateurs peu propices au développement. Lorsque les Britanniques sont finalement partis en 1966, l’économie botswanaise se limitait à un rôle de réserve de main-d’œuvre à bas coût pour l’Afrique du Sud qui, elle-même, ployait alors sous le poids de l’apartheid. Le Botswana importait la totalité de sa consommation et exportait toute la production de son abattoir public - la Boatswana Meat Corporation - qui était sa seule et unique entreprise.

A travers un documentaire qui sort ces jours-ci, on pourra bientôt revisiter le sous-développement et la pauvreté dans lesquels était plongé au sortir de la colonisation cet ancien protectorat britannique, qu’on l’appelait à l’époque Bechuanaland. Intitulé ironiquement A United Kingdom (un Royaume-Uni), le film d’Amma Asante revient sur le mariage du père de l’indépendance botswanaise Seretse Khama, le père de l’actuel président, avec une Anglaise blanche nommée Ruth Williams. Ce mariage interracial avait fait scandale à l’époque, avec l’apartheid régnant dans les esprits et les faits dans l’ensemble de l’Afrique australe. C’est son militantisme pacifique en faveur d’un Botswana démocratique et multiracial qui permettra à Khama de pousser les Anglais dehors et de prendre le pouvoir dans son pays.

La mine de diamants de Jwaneng, située à 160 km de Gaborone, la capitale du Botswana.
La mine de diamants de Jwaneng, située à 160 km de Gaborone, la capitale du Botswana. AFP/Alexander Joe

La découverte des mines de diamants a changé la donne de tout en tout dans le Botswana postcolonial. Le pays est considéré aujourd’hui comme le « modèle de réussite » et de « prospérité » en Afrique subsaharienne. Cette prospérité, le Botswana la doit à son sous-sol riche en diamants, qui a fait de lui jusqu’à encore récemment le premier producteur mondial de cette pierre précieuse. Celle-ci représente près de 80 % des recettes d’exportation du Botswana et contribue à 30 % de son produit intérieur brut (PIB). Le diamant a permis de financer les infrastructures et la mise en place des services publics de base en matière d’éducation et de santé. En l’espace de cinq décennies, la richesse par habitant a quadruplé, permettant de ramener le taux de pauvreté à 19 % contre quasiment 50 % pendant la colonisation.

Le Botswana est aussi l’un des rares Etats africains à avoir su échapper à la malédiction des matières premières. Le « miracle botswanais », dont parlent les observateurs de ce pays, est fondé sur la gestion avisée des mines diamantifères. Ses revenus financent les dépenses publiques. La cohésion sociale et la stabilité politique qui en découlent sont, à en croire l’économiste Ross Harvey, chercheur à l’Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA), les principaux acquis de ces 50 dernières années au Botswana.

« Un exploit quasi-unique sur le continent africain », jubile l’expert, selon lequel ce miracle a été rendu possible par la combinaison au Botswana de trois facteurs : la taille de la population (« 2 millions, c’est la moitié de la population de Cape Town ! »), l’homogénéité ethnique du peuple botswanais (« les Tswana regroupent quasiment 80 % de la population ») et, last but not least, le « caractère inclusif des chefferies traditionnelles précoloniales connues sous le nom de " kgotla ", qui ont servi de modèle pour la mise en place des institutions démocratiques contemporaines. » « Qui plus est, ajoute Harvey, ces institutions étaient déjà en place lorsque l’exploitation des ressources diamantaires a commencé, empêchant une petite élite ou un clan de s’en emparer en toute impunité à la faveur d’un Etat faible, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays africains rentiers. »

« Les diamants ne sont pas éternels »

C'est le plus gros diamant jamais découvert au Botswana.  il mesure 65mm x 56mm x 40mm.
C'est le plus gros diamant jamais découvert au Botswana. il mesure 65mm x 56mm x 40mm. AFP/LUCIEN COMEN

« L’importance cruciale des diamants dans l’histoire du développement du Botswana constitue de même aussi sa principale vulnérabilité », écrit pour sa part Arthur Silve, chercheur à l’Ecole d’économie de Paris, dans un article retraçant l’histoire du miracle botswanais. Cette vulnérabilité est régulièrement pointée du doigt, notamment par les dirigeants du Botswana eux-mêmes qui savent que sur la base des investissements actuels, la fermeture des mines est programmée d’ici à 15 ans.

Cette prise de conscience s’inscrit aussi dans la crise que traverse l’industrie diamantaire depuis quelques années, avec le déclin de la demande dans le monde, suivi d’une chute vertigineuse des prix, de l’ordre de 30 %. Sur le plan économique botswanais, cela s'est traduit par la décélération de la croissance et la montée du chômage qui touche près de 20 % de la population. « C’est un avant-goût de ce qui attend le gouvernement s'il ne procède pas dans les années à venir aux ajustements qui s'imposent », ajoute Ross Harvey.

Parmi les ajustements qui s’imposent au Botswana cinquantenaire, c’est la diversification de ses activités économiques qui s’avère la plus urgente. Le gouvernement du président Ian Khama, tout comme son parti, le parti démocratique du Botswana (BDP) au pouvoir depuis 50 ans, s’y sont attelés, en s’efforçant de développer des activités à forte valeur ajoutée autour des diamants. En 2013, la délocalisation historique, de Londres à Gaborone, du diamantaire De Beers - qui est la principale société chargée de l’exploitation et la vente des diamants botswanais - s’inscrit dans cette logique. Or, selon les observateurs, si la diversification économique ne va pas assez vite, c’est peut-être parce que les options du gouvernement sont limitées.

« L’exploitation de ces vastes réserves de charbon ou d’un minerai de fer au potentiel limité irait à l’encontre de l’image d’un pays attaché à l’éthique sociale que le Botswana voudrait donner », ont expliqué les intervenants réunis l’année dernière dans le cadre d’une conférence à Gaborone pour plancher sur les nouveaux potentiels économiques du Botswana. Selon Ross Harvey, compte tenu des taux d’ensoleillement exceptionnels dont le pays bénéficie, l’énergie solaire tout comme l’éco-tourisme constituent des domaines évidents de croissance potentielle.

Pour le chercheur sud-africain spécialisé dans les sujets liés à la gouvernance, « le Botswana se trouve à la croisée des chemins et toute lenteur à prendre à bras le corps dès maintenant les interrogations que suscitent les perspectives d’une économie post-rente diamantaire pourrait être fatale pour la stabilité politique et la cohésion sociale qui ont fait la réputation de ce " Royaume-Uni africain ". »

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