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Elections au Burkina

Burkina Faso: les enjeux des élections du 29 novembre

A quelques jours des élections législatives et présidentielle, le Burkina Faso est à un tournant de son histoire moderne. Les enjeux de ces élections sont politique, économique et de plus en plus sécuritaire. Tour d’horizon en 7 questions-réponses.

La période de transition, présidée par Michel Kafando (ici le 1er novembre), doit prendre fin avec les élections du 29 novembre 2015.
La période de transition, présidée par Michel Kafando (ici le 1er novembre), doit prendre fin avec les élections du 29 novembre 2015. AFP PHOTO / AHMED OUOBA
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1. Pourquoi le 29 novembre est-elle une date importante pour les Burkinabè ?

Une insurrection populaire a chassé fin 2014 l’ex-président Blaise Compaoré pour avoir tenté de modifier la Constitution afin de briguer un nouveau mandat, après 27 ans au pouvoir. Un an après, le 29 novembre, plus de 5,5 millions de Burkinabè inscrits au registre électoral se rendent aux urnes pour élire leur nouveau président et renouveler leurs députés. La campagne électorale qui s’est ouverte le 8 novembre est la première campagne présidentielle et législative post-Compaoré qu’organise le Burkina Faso. Ces élections constituent un tournant, car elles vont permettre à ce pays à l’histoire marquée par de nombreux coups d’Etat (sept depuis 1960) de tourner définitivement la page Blaise Compaoré et clore la période de « transition politique ».

2. Qu’est-ce que la « transition politique » ?

La « transition politique » est la période intermédiaire entre la fin du régime Compaoré (30 octobre 2014) et la tenue de nouvelles élections le 29 novembre prochain qui permettront au Burkina Faso de renouer avec la démocratie. On qualifie cette transition de « politique » ou « démocratique » parce qu’elle a été négociée entre les différents acteurs de la vie politique et sociale du pays (l’armée, les partis politiques, la société civile, les autorités religieuses et coutumières) au lendemain de la démission de l’ancien dictateur. Les parties prenantes ont signé une charte de la transition mettant en place un gouvernement de transition. Les signataires de la charte ont désigné Michel Kafando, diplomate de carrière, pour diriger ce gouvernement intérimaire. Celui-ci a désigné à son tour comme Premier ministre le lieutenant-colonel Isaac Zida qui avait pris brièvement le pouvoir après la chute de Compaoré le 30 octobre 2014. La principale mission de ce gouvernement de transition est d’organiser des élections libres, crédibles et apaisées et d’ancrer la démocratie dans le pays. Selon l’article 20 de la charte - récemment amendée -, la transition prendra fin à l’investiture du nouveau président issu des élections du 29 novembre.

3. Quels ont été les temps forts de cette année de transition ?

Le gouvernement de transition a pris plusieurs décisions importantes, notamment le verrouillage de l’article 37 de la Constitution qui stipule que le président est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Pour empêcher un futur président de changer la Constitution dans le but de modifier la clause de limitation du nombre de mandats, comme le voulait faire Blaise Compaoré, le Conseil national de la transition (le Parlement intérimaire, connu sous le sigle du CNT), a inscrit l’article 37 parmi les dispositions qui sont interdites de modification.

Ouagadougou, le 31 octobre 2014.
Ouagadougou, le 31 octobre 2014. AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO

Les députés du CNT ont adopté pas moins de 72 lois dont une importante réforme du Conseil supérieur de la magistrature qui sera désormais présidé par un magistrat et  par le président de la République, des lois sociales comme la couverture maladie universelle, le droit à l'eau potable inscrit dans la Constitution. Enfin, une autre loi plus controversée promulguée par cette administration frappe d’inéligibilité les personnes proches du précédent régime ayant soutenu le projet de modification de la Constitution de l’ex-président. Ce nouveau code électoral a été dénoncé par la Cour de Justice de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest dont le Burkina est membre), sans que le gouvernement de transition revienne sur sa décision. L’abolition de cette loi constituait d’ailleurs l’une des revendications des putschistes qui ont tenté de prendre le pouvoir à Ouagadougou en septembre dernier.

La transition a en effet été brutalement interrompue le 16 septembre par une tentative de coup d’Etat mené par les hommes du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré. Une mobilisation populaire a mis en échec les putschistes et a permis le retour au pouvoir de Michel Kafando et de son Premier ministre qui avaient été pris en otage par les putschistes. La principale conséquence de ce coup d’Etat manqué a été la reprogrammation des élections qui, prévues initialement le 11 octobre, ont été décalées au 29 novembre pour des raisons de sécurité.

4. Candidats aux élections : combien sont-ils et qui sont-ils ?

Selon le président de la CENI, au total, 3 529 candidats sont en lice pour les élections législatives du 29 novembre. Le nouveau Parlement issu de ces élections comptera 127 députés qui remplaceront les 90 membres du CNT. Les candidats représentent 81 partis politiques et 18 regroupements indépendants. S’agissant de la présidentielle, les Burkinabè auront à choisir parmi 14 prétendants à la magistrature suprême. Ils auraient sans doute été plus nombreux si les membres du gouvernement de la transition avaient été autorisés à participer à cette élection.

On prête à Michel Kafando comme à son Premier ministre des ambitions présidentielles, mais ceux-ci devront attendre 2020 pour tenter leur chance. Par ailleurs, sur la base du nouveau code électoral promulgué par l’actuel gouvernement, le Conseil constitutionnel a exclu plusieurs candidats présidentiels proches du président déchu Blaise Compaoré. Cela dit, la plupart des 14 prétendants autorisés à se présenter au scrutin du 29 novembre ont participé à un titre ou à un autre au régime Compaoré. C’est notamment le cas de Roch Marc Christian Kaboré du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et celui de Zéphirin Diabré de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), deux barons de l'ancien régime. Ils ont tous les deux été ministres dans des gouvernements successifs dirigés par Blaise Compaoré, avant de rejoindre l’opposition.

Douze autres candidats sont en lice et parmi eux quelques « outsiders » célèbres tels que Bénéwendé Sankara ou Saran Séré Sérémé. Le premier est un des leaders de l’opposition de longue date et avocat de la famille du capitaine Sankara, alors que le dernier, une des deux figures féminines à se présenter à la présidentielle burkinabè, s’est fait connaître en prenant la tête des femmes défilant en 2014 contre le régime de Blaise Compaoré.

5. Quel avenir pour le CDP, le principal parti politique sous Compaoré ?

L’ancien parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), traverse une crise profonde depuis la chute de son mentor, Blaise Compaoré. Perçu par ailleurs comme complice des putschistes du 16 septembre, ce parti n'est pas en odeur de sainteté auprès des autorités de la transition. Son candidat à la présidentielle a été exclu de la compétition, en application du code électoral controversé. Le CDP a également vu 42 de ses candidats aux législatives frappés d’inéligibilité pour avoir soutenu le projet de modification de la Constitution cher à l’ex-président, mais les candidats recalés ont été remplacés depuis.

Le CDP espère encore peser sur ses électeurs traditionnels pour faire élire ses candidats à la députation et peut-être même s’imposer comme « faiseur de roi » en cas de second tour à la présidentielle. Selon ses responsables, en tant que parti le plus implanté au Burkina Faso, le soutien du CDP sera indispensable au candidat le mieux placé au premier tour pour remporter le scrutin.

6. Quels sont les dossiers qui ont marqué les esprits en attendant les opérations de vote ?

Trois développements ont dominé les esprits pendant l'année en cours :

Primo, le putsch du 16 septembre qui a failli réduire au néant le travail de la démocratisation des institutions en cours depuis la chute de l’ancien régime. Ce coup de force perpétré par des proches de Blaise Compaoré a montré l’influence que celui-ci exerce encore sur le pays et les mentalités, même s’il ne détient plus le pouvoir à proprement parler. D’où l’appel de la société civile pour le passage à la Ve République et la rédaction d’une nouvelle Constitution (appel lancé par Guy Hervé Kam de l'organisation Balai citoyen). En attendant, les putschistes ont été mis hors d'état de nuire. Outre le général Gilbert Diendéré, cerveau présumé du coup d’Etat raté, d’autres officiers, sous-officiers ou dirigeants politiques, tous pro-Compaoré, ont été placés aux arrêts. Le RSP a également été dissous.

Secundo, le retour sur le devant de la scène du dossier de l’assassinat du président

Thomas Sankara
Thomas Sankara DR

Thomas Sankara, le « père de la révolution » burkinabè, tué lors du putsch qui porta au pouvoir Blaise Compaoré en 1987. L’héritage de ce « Che africain » avait été une source d’inspiration pour la jeunesse pendant l’insurrection populaire contre le régime Compaoré en octobre 2014. D’ailleurs, une des premières décisions du gouvernement de la transition a consisté à autoriser l’exhumation du corps de Thomas Sankara et ouvrir l’enquête sur son assassinat. L’enquête est toujours en cours. Le retour du mythe Sankara signifie-t-il que l’idéalisme et la quête de l’utopie ont encore une place dans la vie politique burkinabè marquée par le cynisme et la realpolitik qui ont caractérisé le long règne de Compaoré.

Enfin, tertio, la question sécuritaire est dans tous les esprits surtout depuis les attentats de novembre à Paris et à Bamako. En début du mois de novembre, Ouagadougu a accueilli pour la première fois la réunion des chefs d’état-major des pays du G5 + 1(Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad et France). Il y a été question de la situation dans le nord du Mali, des attaques du Boko Haram dans la zone du lac Tchad, mais aussi des attaques de jihadistes qui ont touché pour la première fois cette année plusieurs localités du Burkina, frontalières du Mali et du Niger. Si ces menaces sécuritaires n’ont pas conduit à un nouveau report des élections, les décideurs politiques sont obligés d’en tenir compte.

7. Qu’est-ce que la population burkinabè attend de ces élections ?

La jeunesse burkinabè, qui a joué un rôle déterminant dans l’insurrection populaire d’octobre 2014 chassant du pouvoir l’ancien régime corrompu et népotiste, a été particulièrement touchée par la crise économique mondiale qui n’a pas épargné le Burkina. Sous l’effet conjugué de la crise mondiale et le désordre politico-économique local de la période post-insurrectionnelle, l’activité s’est ralentie, entraînant la destruction de l’emploi. Le chômage touche la jeunesse de plein fouet.

Dans ce contexte, l’arrivée d’un personnel politique renouvelé est attendu avec impatience pour la relance de l’activité et la mise en oeuvre des réformes déjà engagées par le gouvernement de transition dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des infrastructures. Il n'est donc guère étonnant que les thèmes qui ont dominé la campagne électorale ont été les programmes de différents candidats dont les orientations vont du libéralisme à l'anglo-saxonne (Zéphirin Diabré) à l'« économie endogène » (Françoise Toe), en passant par « la social-démocratie comme voie pour le développement » (Roch Marc Kaboré).

Pays pauvre (classé 181e sur 196 sur l’Indice de développement humain des Nations unies), le Burkina a toutefois connu, entre 2008 et 2013, une croissance moyenne de 6% l’an et devrait renouer avec ce haut niveau de croissance en 2016 à condition que le pays retrouve sa stabilité politique. 

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