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Burundi

Abdoulaye Bathily: sur le Burundi, «l'ONU ne jette pas l’éponge»

A Dar es Salaam se tenait lundi 6 juillet un sommet de la Communauté est-africaine au sujet du Burundi. Elle a demandé de nouveau un report de la date de la présidentielle au 30 juillet et a nommé un nouveau facilitateur du dialogue, à savoir le président ougandais. Sur ce sujet, Abdoulaye Bathily, jusqu'ici facilitateur de l’ONU au Burundi, a répondu aux questions de Bruno Minas.

Le Sénégalais Abdoulaye Bathily, ancien médiateur de l'ONU, à Bujumbura le 23 juin 2015.
Le Sénégalais Abdoulaye Bathily, ancien médiateur de l'ONU, à Bujumbura le 23 juin 2015. AFP PHOTO / MARCO LONGARI
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RFI : Que pensez-vous des résolutions de ce sommet ?

Abdoulaye Bathily : Ce sommet de la Communauté est-africaine, je dois l’avouer, est en deçà de ce qui était attendu. Parce que la situation est quand même très grave au Burundi, et malheureusement on n’a pas abouti à des décisions claires, pertinentes. Nous avons discuté avec les partis. Malheureusement, pendant presque une semaine, le gouvernement n’est venu qu’à une seule des séances. Il a donné sa position en disant qu’il n’est pas question de revenir sur les dates des élections. Pour les partis de l’opposition, il fallait au moins trois mois.

Nous, au niveau de l’équipe de facilitation, nous avons tenu compte des différentes positions, y compris celles du gouvernement, pour dire qu’un mois était suffisant. Malheureusement, il n’y a pas eu d’entente et d’un commun accord, à l’unanimité, l’équipe de facilitation dont j’étais membre a considéré qu’il ne peut pas y avoir dans ces conditions d’élections libres, démocratiques et transparentes au Burundi. Nous avons appelé les chefs d’Etat de la région à prendre leurs responsabilités. Ce qui est proposé ici, j’ai bien peur que ce ne soit pas suffisant.

C'est-à-dire le report des élections de quinze jours ?

Oui, quinze jours pour le report. Certes, il est dit qu’on va procéder au désarmement des Imbonerakure, cette milice de la jeunesse du parti au pouvoir, et évidemment des autres groupes armés. Mais j’ai bien peur qu’en quinze jours, on ne puisse faire ce travail-là.

Etes-vous toujours le facilitateur au Burundi ? Vous avez été récusé par le parti au pouvoir, Yoweri Museveni, et le président de l’Ouganda va mener les discussions. Quel sera votre rôle maintenant ? Etes-vous toujours le facilitateur ?

Non, je ne suis plus le facilitateur. Nous avons transféré la question à la région. C’est à la région qui, sachant bien que ce pays est en train de glisser vers le chaos, doit prendre sa responsabilité morale face au peuple du Burundi, sa responsabilité morale face à l’Afrique, pour résoudre cette question et au niveau le plus élevé ! Quand on parle de solutions africaines aux problèmes africains, malheureusement c’est un beau slogan, mais qui n’est pas suivi d’effet.

Comment expliquez-vous cette attitude de la part des dirigeants de l’Afrique de l’Est ?

Je ne peux pas l’expliquer, je n’ai pas toutes les raisons. Mais ce que je constate, c’est qu’il y a une lourdeur, une lenteur… et quelque part, à mon avis, un manque de proactivité. La crise n’est pas seulement entre l’opposition et le pouvoir. C’est la société qui est profondément divisée, le parti au pouvoir lui-même qui est profondément divisé. Vous avez pu constater que le président de l’Assemblée nationale est parti à l’étranger. Il a clairement dit qu’il a peur pour sa vie. Le deuxième vice-président est allé à l’étranger, il dit qu’il a eu peur pour sa vie.

Les membres de la Commission électorale aussi…

Les membres de la Commission électorale et un membre de la Cour constitutionnelle également a fui. Il y a des députés, des ministres qui se sont réfugiés à l’étranger. Vous avez près de 150 000 réfugiés burundais aujourd’hui dans les pays voisins.

Pensez-vous que Pierre Nkurunziza aurait pu faire pression sur ses homologues de la région en disant que sans lui, ce sera pire, ce sera le chaos. Est-ce cela qui pourrait être ce qui les retient ?

Mais je ne sais pas ! Mais je dis encore une fois, en ce qui me concerne, qu'il nous faut sur ces questions de démocratie, parler un langage de vérité. On ne peut pas consolider la démocratie sur une base durable, si les acteurs ne respectent pas leurs engagements.

Abdoulaye Bathily, si les Nations unies jetent l’éponge, qui va venir sauver le Burundi maintenant ?

Non ! Les Nations unies ne jettent pas l’éponge ! Les Nations unies ont demandé à la région de prendre ses responsabilités.

C’est ce qu’elle n’a pas fait, selon vous ?

Pour le moment, il reste encore un bon chemin. Aujourd’hui, les plus de 100 000 réfugiés burundais qui sont à l’étranger, qui s’en occupe ? C’est la communauté internationale. Et je crois qu’il faut un minium de pitié, pour ne pas dire plus, pour ces populations-là.

La version radiophonique de l'entretien est disponible ici

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