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France / Culture

Spectacle-choc «Exhibit B»: une première annulée face à la violence

La vitre du théâtre brisée et des barrières renversées par une centaine de manifestants qui voulaient envahir la salle. Ainsi la première du spectacle-choc Exhibit B du Sud-Africain Brett Bailey au Théâtre Gérard-Philipe à Saint-Denis en banlieue parisienne a dû être annulée, hier, jeudi 27 novembre au soir. Que la représentation d’un spectacle - soutenu par de prestigieuses institutions culturelles et défendu par la ministre de la Culture - n’ait pas pu se tenir à cause de manifestants qui contestent la raison d’être du propos artistique, est un fait aussi inquiétant que rare dans l’histoire de la Cinquième République en France. 

Une vue de l'installation-spectacle Exhibit de l'artiste sud-africain Brett Bailey.
Une vue de l'installation-spectacle Exhibit de l'artiste sud-africain Brett Bailey. Auke-Schuettler
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C’est un spectacle qui tourne dans le monde entier depuis quatre ans, mais suscite depuis quelques mois une critique de plus en plus forte de la part d’un petit collectif qui exige l’annulation du spectacle. Hier soir, une centaine de manifestants dont les membres d’une Brigade antinégrophobie se sont mobilisés devant le Théâtre Gérard-Philipe à Saint-Denis pour empêcher que l'installation-performance ait lieu. Selon la police, ils ont tenté de déplacer les barrières mises en place pour la sécurité de la pièce, ont bloqué l’accès au théâtre et ont essayé d’envahir la salle brisant la vitre du théâtre.

Un « profond malentendu » ?

Confronté à la violence des manifestants, Jean Bellorini, le directeur du théâtre a décidé d’interrompre la pièce. Exhibit B est conçu comme une exposition où les spectateurs déambulent en petits groupes devant différents tableaux vivants incarnés par des acteurs noirs (et souvent à moitié nus). Cette référence artistique aux zoos humains - qui étaient une réalité et un « amusement » très populaire au 19e et 20e siècle – jusqu’aux immigrés attachés sur un siège d’avion avant l’expulsion, est condamnée par les détracteurs de la pièce comme une « exposition humiliante » pour les Noirs. Après la première annulée d’Exhibit B, l’artiste sud-africain Brett Bailey, qui s’engage depuis toujours dans ses pièces contre le racisme, avait parlé au micro de RFI d’un « profond malentendu » par rapport à sa pièce qui fustige les horreurs du système colonial.

« Je pense que cela montre où la société se trouve actuellement. Il y a de plus en plus de limites. Il y a de plus en plus de gens qui veulent censurer des choses. C’est vraiment tragique. Pour moi, la chose la plus tragique, c’est que les gens qui veulent censurer mon travail ne l’ont pas vu. Parce que mon travail est très antiraciste. Et ces gens réagissent par rapport aux photos qu’ils ont vues dans les médias. Ces images médiatisées sont des images bidimensionnelles très aplaties. Moi, je ne présente pas un travail photographique, mais une performance. De dire que cela est raciste, c’est un grand malentendu et c’est vraiment triste que ces gens réagissent avant de voir le travail. »

Quant à José-Manuel Gonçalves et Jean Bellorini, respectivement directeur du Cent-quatre et du Théâtre Gérard-Philipe qui accueillent le spectacle, ils avaient dénoncé des imposteurs qui n’ont ni compris ni même pas vu le spectacle.

Pour l’instant, il n’est pas assuré que le spectacle aura lieu ce vendredi au soir. En attendant, les deux directeurs de théâtre soulignent que la Ligue des droits de l’Homme et des associations antiracistes comme le Mrap ou la Licra ont entièrement défendu le propos du spectacle. Mercredi dernier, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, avait « fermement » condamné toutes « tentatives d’intimidation ou de censure ». Force est de constater que le spectacle Exhibit B est loin d’être le seul cas en France.

La liberté d'expression artistique

Depuis quelques années, déjà plusieurs fois des artistes ont été attaqués en France. En octobre 2011, après une mobilisation des intégristes de l’Institut Civitas, soutenue par le Front National, des inconnus avaient détruit le tableau Immersion, Piss Christ d’Andres Serrano avec des coups de marteau et menacé de mort le galeriste. Peu après, la pièce de théâtre Sur le concept du visage du fils de Dieu de Roméo Castellucci au Théâtre de la Ville de Paris était fortement perturbée par des fondamentalistes catholiques qui jetaient des boules puantes et des œufs pourris. Et en octobre dernier, lors de la Fiac, l’artiste Paul McCarthy a été agressé et son installation Tree vandalisée à la place Vendôme de Paris. Reste une question inquiétante : est-ce que l’expression artistique et la liberté d’expression en France se sont détériorées ? 

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Réaction de l'artiste sud-africain Brett Bailey aux critiques de son spectacle Exhibit B. (Son recueilli par Alison Hird)

RFI

► Exhibit B, exposition-performance de Brett Bailey, du 27 au 30 novembre au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, du 7 au 14 décembre au Centquatre, à Paris.

 

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